La Mauritanie est désormais connectée à l'Internet, aprés une privation de deux semaines. Tout a commencé, après le passage d'un chalutier dans les eaux territoriales, qui aurait endommagé un câble sous-marin de fibre optique, interrompant la connexion Internet dans cet Etat et dans neuf autres pays d’Afrique de l’Ouest.
Imaginez-vous coupé du monde pendant 48 heures : plus de web, plus de mails, plus de téléphone, plus de télé. C’est ce que viennent de vivre plusieurs dizaines de milliers d’habitants de la Mauritanie qui en compte 4 millions. En cause : une rupture du seul câble en fibre optique qui relie le pays au reste du monde.
Un consortium d’une vingtaine d’entreprises spécialisées dans les télécommunications, comme Orange, a investi 700 millions de dollars pour déployer un câble sous-marin de 17 000 km, appelé ACE pour African Coast European.
Comme son nom l’indique, ce câble fournit, depuis 2012, une connexion internet à haut débit, à 22 pays de la façade Atlantique de l’Afrique depuis la pointe bretonne, en France. Tout l’internet de la Mauritanie est dépendant de cette liaison !
Le câble sous-marin ACE permet aux pays de la façade Atlantique de l’Afrique d’être connecté à internet. (Photo d’illustration : ACE)
Menace pour le commerce international
Des techniciens du consortium soupçonnent un chalutier d’être à l’origine d’une rupture du câble près de la capitale mauritanienne, Nouakchott. Le câble aurait été soulevé puis cassé, ont-ils constaté. Des réparations ont été entreprises. Mais en attendant, la Mauritanie a été totalement privée de toute connexion internet durant deux jours, début avril.
La Sierra Leone, le Libéria, la Guinée-Bissau, la Guinée et la Gambie ont également connu d’importantes pannes, tandis que le Bénin, le Sénégal, la Guinée équatoriale et la Côte-d’Ivoire ont aussi évoqué des perturbations.
Dans le contexte de tensions internationales actuelles, l’événement n’a pas été pris à la légère outre-Manche. Dans le journal britannique The Independent, le chef des forces armées britanniques met en garde contre « la vulnérabilité des câbles de communication sous-marins qui ne sont pas surveillés ». Selon lui, « ils pourraient être la cible d’agresseurs tels que la Russie. Ce qui constituerait une menace potentiellement catastrophique pour le commerce international. »
Un précédent en Somalie
C’est la première panne majeure enregistrée sur le câble ACE depuis que cette liaison a été mise en place en 2012. Mais, il y a un an, la Somalie a connu une mésaventure semblable du 24 juin au 17 juillet. L’ancre d’un navire commercial avait endommagé le câble EASSy, le seul en fibres optiques qui alimente tout le pays depuis 2014.
Si la Somalie s’est si rapidement retrouvée sans internet, c’est parce que la majeure partie de son installation dépendait de ce seul câble sous-marin qui fournit une connexion à toute la côte est de l’Afrique, de l’Afrique du Sud au Soudan. Finalement exactement comme la Mauritanie avec ACE.
En Somalie, il y a un an, un navire avait déjà endommagé un câble sous-marin privant des millions d’Africains de connexion internet. (Photo d’illustration : DR)
S’il est trop tôt pour mesurer les conséquences de l’incident en Mauritanie, le gouvernement somalien a, lui, chiffré le coût du préjudice lié à l’absence de services internet dans son pays : environ 10 millions de dollars (soit 9 millions d’euros) par jour, à en croire Le 360 Afrique. Selon ce média marocain d’informations, les institutions gouvernementales, les médias ou encore les milieux d’affaires avaient été les premières victimes, tandis que les opérateurs tentaient de se rabattre sur d’autres fournisseurs d’internet pour parer au plus pressé.
Le réseau mondial est sous-marin
« Le grand public l’ignore et pense qu’internet passe par les airs. Or 95 % du réseau passe sous l’eau », confirme-t-on chez Orange, l’un des opérateurs du consortium qui gère ACE. Le réseau mondial est composé d’un maillage de quelque 430 câbles en fibre optique sous-marins. Le plus récent est celui conçu par Microsoft et Facebook pour relier Virginia Beach (côte est des États-Unis) à Bilbao (Espagne).
Les transactions financières, les échanges de données et de téléphonie mobiles transitent par les autoroutes sous-marines. (Photo d’illustration : AFP)
Plus d’un million de kilomètres de fibre optique quadrille ainsi le fond des mers pour former la colonne vertébrale de la toile mondiale et relier les coins les plus reculés de la planète. 99 % des échanges de données et de téléphonie mobile passent ainsi par ces systèmes. C’est aussi par ces autoroutes sous-marines de fibre optique que transitent les transactions financières internationales. On comprend mieux l’enjeu d’influence et les risques qu’ils font peser.
C’est aussi pour palier ce problème que le milliardaire américain Elon Musk a récemment obtenu le feu vert de mettre sur orbite une constellation de 4 425 satellites à des altitudes comprises entre 1 100 et 1 325 km, « pour supprimer définitivement la fracture numérique dans le monde », disait-il au lancement de Space X.
Ouest France