Les banques sont des établissements financiers chargés de collecter des dépôts et d’octroyer des crédits aux ménages et aux entreprises.
A ce titre, elles jouent un rôle prépondérant dans la création et le développement de l’activité économique c’est à dire la production et la consommation. La Mauritanie compte un total de 18 banques pour une population active totale de près de 2 millions de personnes.
A titre d’exemples, la France compte près de 180 banques traditionnelles pour une population active d’environ 30 millions de personnes alors que le Sénégal en dispose 27 pour une population active totale de presque 4,5 millions de personnes.
Proportionnellement, la couverture bancaire est paradoxalement plus importante en Mauritanie (une banque pour 110.000 actifs) qu’au Sénégal ou encore en France (avec une banque pour 160.000 actifs) même si ces chiffres masquent une réalité plus complexe avec une implantation physique des agences plus importante et une multiplication des banques en ligne notamment en France.
Toutefois, à travers ces ratios, on peut valablement croire que la sous-activité en Mauritanie, comparativement à ces deux autres pays, n’est pas imputable à un manque d’établissements de crédits pour financer l’économie.
Les banques jouent-elles alors pleinement leur rôle ?
En Mauritanie, un fonctionnaire qui contracte un prêt à la consommation d’un montant de 5 millions d’ouguiyas sur une durée de 5 années, rembourse au final en moyenne 7 millions d’ouguiyas. En France, un emprunt d’un montant de 20.000 euros vous endette d’un capital et intérêts réunis d’un montant de 21.856 euros sur 5 années. Au Sénégal et au Mali, le même prêt d’un montant de 5 millions de francs CFA contracté auprès d’une banque classique sur une période de 5 années vous oblige à un remboursement total en moyenne d’un montant de 6.627.944 F CFA.
Ainsi, pour le même service, le mauritanien paye un taux effectif global de 39% sous forme d’intérêts et autres charges financières alors que le français paye 09,28% et le sénégalais ou malien débourse 32%.
En d’autres termes, un emprunteur mauritanien paye 21% de plus que son voisin malien ou sénégalais et 400% de plus qu’un français.
Ces charges, qu’on peut raisonnablement qualifier d’excessives, frappent tous les ménages mauritaniens en poste dans le public, le parapublic et une partie du privé mais également toutes les entreprises éligibles au crédit bancaire. Par son ampleur, ce coût financier hypothèque toutes les possibilités d’épargne aux ménages et les chances de réaliser des profits aux entreprises, et par voie de conséquences, il prive le pays de moyens fiables pour l’investissement que constituent ces deux ressources.
Par ailleurs, du fait de l’exigence de garanties réelles qui couvrent au-delà de 100% des crédits demandés pour toute demande de financement, rares sont les capitaux accordés pour financer des projets innovants ou même des projets en général. Cela expliquerait-il le fait que les quelques grandes entreprises privées que compte le paysage d’affaires mauritanien sont des banques ou alors des propriétés de banques ?
Les effets conjugués des taux d’intérêt élevés et les conditions difficiles d’accès au crédit privent les mauritaniens de moyens de production et de consommation, et ralentissent la machine économique du pays.
Quelle marge de manœuvre pour la Banque Centrale de Mauritanie ?
La Banque Centrale de Mauritanie a pour rôle essentiel de conduire la politique monétaire du pays en régulant notamment la masse monétaire en circulation dans notre pays via ses relations avec les banques commerciales.
A ce titre, elle dispose d’instruments comme la fixation du taux directeur par lequel elle assure le refinancement des banques commerciales. Il est passé de 6,5% à 5% en 2020 et a permis de redonner un peu de pouvoir d’achat et de capacité de financement aux débiteurs des banques. Mais est-ce le niveau optimal pour booster l’économie du pays ?
Le gap entre le taux de base et le taux d’intérêt final payé par l’emprunteur ne gagnerait-il pas à faire l’objet d’un encadrement conséquent par une régulation drastique et un contrôle accru pour éviter toute surenchère injustifiée qui ne ferait que renforcer le secteur privé dans sa léthargie.
L’inflation galopante qui enlève tout intérêt à l’épargne du fait des prix qui augmentent plus rapidement et plus fortement qu’une rémunération raisonnable des dépôts, doit être maitrisée et contenue. Nos politiques de lutte contre l’inflation gagneraient à être renforcé de ce point de vue.
En tout état de cause, Il est urgent que l’agrément d’une banque accordé à des actionnaires ne vaille plus un chèque en blanc octroyé pour enrichir mais plutôt un défi à relever, une mission d’intérêt général à mener avec un cahier des charges très strict et des conditions acceptables de financement de l’économie du pays. Le règlement sur les opérations avec apparentés doit être renforcé et appliqué.
De nouvelles mesures structurelles sont donc sans doute nécessaires pour renforcer le climat des affaires.
Un jeune détenteur de projet devrait pouvoir concrétiser son rêve avec l’appui des banques sans que des garanties réelles ne lui soient exigées.
Les ménages devraient pouvoir constituer une épargne (source fiable pour l’investissement) sans que la moitié de leurs revenus ne soit ponctionnée par les banques sous forme d’échéances de prêts.
Une entreprise devrait pouvoir financer son implantation ou son développement sans que le taux d’intérêt pour son financement ne soit supérieur au retour sur investissement attendu. Le rendement du travail et de l’entreprenariat devrait être supérieur à la rémunération de l’argent.
Youssouf KEBE
Économiste