Les autorités mauritaniennes devraient annuler la condamnation à mort du blogueur mauritanienMohamed Cheikh Ould Mkhaitir et abandonner toutes les accusations portées à son encontre en violation de la liberté d'expression, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
La Cour d'appel de Nouadhibou doit réexaminer l'affaire le 8 novembre 2017. Les procureurs ont engagé des poursuites pour apostasie contre Mkhaitir après la publication en ligne, en janvier 2014, d'un article qui dénonçait l'usage de la religion pour légitimer la discrimination ethnique et de caste en Mauritanie.
En janvier, après trois ans de procédure judiciaire, la Cour suprême de Mauritanie a cassé une décision de la Cour d'appel qui confirmait la condamnation à mort du blogueur, et a renvoyé l'affaire devant un nouveau collège de magistrats pour qu’elle soit réexaminée.
« La Mauritanie ne devrait accuser personne d’“apostasie”, et encore moins condamner un blogueur à mort pour une accusation aussi absurde basée sur un article qu'il a écrit », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord. « C'est une bonne chose que la Cour d'appel réexamine cette affaire, mais Mkhaitir n'aurait initialement jamais dû être accusé. »
Lors d’une réunion à Nouakchott le 19 octobre, Human Rights Watch a fait part au ministre de la Justice Brahim Ould Daddah de ses inquiétudes au sujet des poursuites contre Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, de la longueur de la procédure à son encontre et du caractère extrême de sa condamnation pour un simple délit d’expression. « Mkhaitir est en droit de recevoir un procès équitable qui respecte nos engagements internationaux », a déclaré le ministre à Human Rights Watch. «J’espère qu’il sera jugé d’ici la fin de l’année. »
Cela fait presque quatre ans que les autorités mauritaniennes ont arrêté Mkhaitir après que le site d’information mauritanien Aqlame a publié son article sur la marginalisation de certains groupes en Mauritanie. Il a passé 12 mois en détention préventive et un tribunal l’a condamné à mort en décembre 2014 pour avoir « parlé avec légèreté » du Prophète, et pour hérésie.
En 2016, la Cour d’appel de Nouadhibou a réduit les chefs d’accusation qui pesaient contre lui d’« apostasie » (« zendagha ») à « mécréance » (« ridda »), tout en maintenant la peine de mort. La défense a introduit un pourvoi en cassation devant la Cour suprême de Mauritanie, qui a cassé la décision du tribunal le 31 janvier 2017, et renvoyé l’affaire devant un nouveau panel de juges du même tribunal pour une nouvelle audience.
Certains activistes mauritaniens ont noté une vague de protestations, pour des raisons religieuses, au sujet de cet article. Ces deux dernières années et demie, des milliers de manifestants se sont rassemblés à plusieurs reprises pour demander l’exécution de Mkhaitir. Le 3 novembre, Mohamed Diop, journaliste de l’agence de presse mauritanienne Alakhbar, a rapporté que les autorités de police avaient empêché des manifestants appelant à l’exécution de Mkhaitir de marcher dans les rues de Nouakchott, et arrêté quatre d’entre eux.
Des défenseurs mauritaniens des droits humains qui ont publiquement soutenu Mkhaitir ont reçu des menaces de mort, a déclaré à Human Rights Watch Aminetou Mint Ely, une importante activiste engagée dans la défense des droits des femmes. En décembre 2016, les parents de Mkhaitir ont fui le pays et demandé l’asile en France en déclarant qu’ils ne pouvaient plus vivre en Mauritanie du fait des menaces permanentes dont ils faisaient l’objet.
Les poursuites engagées contre Mkhaitir du fait de ses écrits violent les garanties de droit international qui protègent la liberté d’expression, telles que celles consacrées par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel la Mauritanie est partie depuis 2004. La constitution mauritanienne garantit la liberté d’opinion, de pensée et d’expression. La restriction à la liberté d’expression, notamment les poursuites pénales, ne devraient être utilisées qu’en dernier recours, pour une raison justifiable, lorsque la loi est clairement définie, et de manière proportionnée. Étant donné que les mots de Mkhaitir ne pouvaient être interprétés comme une incitation à la haine ou à la violence, ils n’auraient jamais dû faire l’objet de poursuites.
En vertu des normes des droits humains sur le droit à la vie, suivies par les Nations Unies et en vigueur en Afrique, les États sont encouragés à abolir la peine de mort et, dans les Etats qui ne l’ont pas fait, à s’assurer que celle-ci ne s’applique qu’aux crimes les plus graves et seulement à l’issue d’un procès équitable. La Commission africaine des Droits de l’homme et des Peuples a déclaré : « Il est essentiel que, dans les États qui n’ont pas encore aboli la peine de mort, celle-ci ne soit utilisée que pour les crimes les plus graves –compris comme étant ceux qui sont commis dans l’intention de tuer. »
Les procureurs mauritaniens devraient abandonner toutes les poursuites contre Mkhaitir, a déclaré Human Rights Watch, et les députés mauritaniens abroger les dispositions du code pénal qui violent la liberté d’expression, y compris l’article 306, qui prévoit la peine de mort pour apostasie
Source: cridem via Human Rights Watch (HRW)