Le Maroc a rompu mardi 1er mai ses relations diplomatiques avec l’Iran. Cette décision intervient quatre jours après que le conseil de sécurité de l’ONU a fait pression pour relancer les négociations afin de résoudre le conflit au Sahara occidental.
C’est à nouveau la guerre froide entre le Maroc et l’Iran. Rabat a rompu mardi 1er mai ses relations diplomatiques avec la République islamique alors que celles-ci avaient progressivement été rétablies en 2014 après cinq années de rupture.
Le Maroc accuse l’Iran d’armer le front Polisario, le mouvement indépendantiste du Sahara occidental, via son allié, le Hezbollah, le mouvement chiite libanais. En 2009, les différends religieux avaient été à l’origine du gel des relations, le Maroc s’étant alors opposé au prosélytisme chiite iranien.
« Le Maroc dispose de preuves irréfutables »
D’après le ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita, « une première livraison d’armes » a été récemment fournie au Polisario. « Le Maroc dispose de preuves irréfutables, de noms identifiés et de faits précis qui corroborent cette connivence entre le Polisario et le Hezbollah contre les intérêts suprêmes du royaume », a déclaré Nasser Bourita lors d’une conférence de presse à Rabat le 1er mai.
Le site marocain « Le360.ma », proche du palais, affirme ce mercredi 2 mai que « les milices du Polisario reçoivent de la part d’experts militaires Hezbollah libanais des entraînements continus sous des tunnels creusés sous le dispositif de défense marocain, en prévision de la reprise des hostilités contre le Maroc ». Cet entraînement à la technique de guérilla se ferait avec l’active complicité de l’armée algérienne, dénonce encore le média en ligne.
L’Iran dément
L’Iran a « fermement » démenti ces accusations qualifiées de « mensongères ». Dans un communiqué, le ministère iranien des affaires étrangères juge cette affaire « totalement dénuée de fondement ».
De son côté le Hezbollah ajoute : « il aurait été préférable que les Affaires étrangères marocaines trouvent un prétexte plus convaincant pour rompre leurs relations avec l’Iran ». Selon lui, le Maroc agit « sous pressions américaines, israéliennes et saoudiennes ».
La Minurso, la mission des Nations unie déployée depuis 1991 au Sahara occidental, pourra, le cas échéant, confirmer les accusations du Maroc. Mais lorsque le chef de la diplomatie marocaine avait dénoncé, début avril, des incursions « gravissimes » du Polisario dans la zone tampon du territoire disputé et alors fait état de « casus belli », l’ONU n’avait alors pas abondé en son sens.
« Au début des soulèvements arabes en 2011, le Maroc avait accusé le Polisario d’entretenir des liens avec la branche d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et de s’armer par ce canal », rappelle un observateur. L’information s’était ensuite étiolée.
L’ONU s’impatiente
Pourquoi aujourd’hui ces nouvelles accusations du Maroc, à portée internationale ? Difficile de ne pas faire le lien avec le dernier vote du conseil de sécurité de l’ONU du 27 avril. Pour la première fois, l’ONU a limité à six mois la durée de renouvellement du mandat de la Minurso, au lieu d’un an habituellement, pour pousser le Maroc et le Polisario à relancer le processus de négociations.
Depuis le cessez-le-feu de 1991 et le déploiement de la Minurso, un interminable statu quo s’est installé entre le Maroc – qui a pris possession de la majeure partie du Sahara occidental après le départ de la puissance occupante espagnole – et le Polisario et sa République arabe sahraouie démocratique en exil dans le Sud algérien. Et le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui ne s’est jamais tenu.
Le soutien des monarchies du Golfe
« Ces accusations contre l’Iran sont un moyen pour le Maroc de se faire bien voir des puissances sunnites du Golfe, d’Israël et des États-Unis, ennemis de l’Iran, au moment où l’ONU montre son impatience sur le Sahara occidental », poursuit cet observateur.
Depuis les soulèvements arabes de 2011, le roi Mohammed VI n’a cessé de resserrer les liens avec les monarchies du Golfe. Un partenariat stratégique lie le royaume chérifien au conseil de coopération du Golfe (CCG). Le roi dînait encore dernièrement à Paris avec le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane.
Après la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, l’Arabie saoudite s’est d’emblée déclarée « aux côtés du royaume frère du Maroc pour tout ce qui garantit sa sécurité et sa stabilité, y compris sa décision de rompre ses relations avec l’Iran ». Les Émirats arabes unis et Bahreïn ont également exprimé leur solidarité avec le Maroc.
Marie Verdier
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