Jamais Chef d’Etat mauritanien n’aura été autant cité dans des affaires aussi scabreuses que l’actuel président Aziz. Soupçonné d’avoir un grand faible pour les choses matérielles, le président Aziz est -pour ce soupçon- suspecté de téléguider une nouvelle oligarchie financière qui lui obéirait au petit doigt.
Celui qui s’est fait confondre, le laps d’une élection, à l’image du président des pauvres, est-il aujourd’hui rattrapé par son passé? Même si ses soutiens jurent par tous les saints que ce n’est là qu’une « campagne orchestrée » contre lui, des révélations tous azimuts relevant parfois du faits divers sont telles qu’il n’y a assurément pas de fumée sans feu. Jamais l’institution présidentielle n’a été aussi discréditée.
Ci-après un entretien exclusif (en bleu) d’un malien, présenté par le journal ivoirien « Linter » comme un ex-agent des renseignements. Il y fait « de graves révélations » annonce notre confrère dans sa publication du 20 mars 2013.
Patron d’une société de sécurité privée au Mali, Hamed Oumar a servi d’agent de renseignement aux autorités mauritaniennes dans les années 2005-2007. En séjour à Abidjan récemment, nous avons rencontré ce natif du Nord Mali. Il évoque dans cet entretien la guerre au Mali et revient surtout sur son passé d’agent secret au service de la Mauritanie.
M.Hamed Oumar, en tant qu’originaire du nord Mali, que pensez-vous de la guerre qui s’y déroule ?
Merci pour cette occasion que vous m’offrez d’évoquer ce drame que vit mon pays depuis l’occupation du nord par les troupes du Mnla ( Mouvement national de libération de l’Azawad, ndlr) et les autres mouvements terroristes que sont Aqmi( Al- Qaïda au Maghreb islamique) Ansardine, Mujao( Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest, ndlr) et autres.
Je salue la guerre engagée contre ces islamistes, qui ont martyrisé, plusieurs mois durant, nos parents et avaient fait de cette partie du pays une zone de non droit. J’ai été d’ailleurs de ceux qui, très tôt, se sont mobilisés pour combattre ces rebelles. On voulait bouter hors le Mnla hors du pays, car sans ce groupe rebelle, les autres mouvements terroristes n’auraient pas pu occuper le nord Mali. Ce mouvement séparatiste est le principal vecteur de l’instabilité qu’a connue le Nord.
Je précise que c’est le Mnla, prétendu allié des troupes françaises, qui a renforcé hier tous ces mouvements terroristes en leur vendant les armes qu’il a ramenées de Libye. D’ailleurs, je ne comprends pas que la communauté touareg, qui représente 12 à 15 % de la population du Nord veuille imposer aux autres une indépendance.
Se prononçant sur la crise au Mali, le député français Noël Mamère, a déclaré que ces djihadistes pourraient trouver refuge en Mauritanie. Il a au passage taxé le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, de « parrain de la drogue ». Vous qui avez côtoyé l’homme avant son accession au pouvoir, comment réagissez-vous aux propos de Noël Mamère ?
Je ne puis dire si le président Abdel Aziz est un « parrain de la drogue » comme le soutient le député français. Ce que je puis, en revanche, affirmer, c’est que j’ai connu l’homme du temps où il était commandant de la garde présidentielle sous le régime du président Taya( Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya, renversé par l’armée le 3 août 2005, ndlr). Il m’a mêlé à certaines affaires plutôt illicites.
Comment avez-vous connu le colonel Abdel Aziz ?
J’ai connu l’homme à l’époque où le président Ould Taya était au pouvoir. Il était alors le chef de la sécurité présidentielle. C’est un élément des services de renseignements mauritaniens, du nom de Sidi Ould Ahiba, alors en fonction à l’ambassade de Mauritanie à Bamako, qui était sous les ordres de l’attaché militaire, qui nous a mis en contact. C’est celui-là qui m’a approché en vue de constituer un dispositif de recherche d’informations sur les opposants mauritaniens au Mali et dans la sous-région, notamment sur ceux qu’on appelait à l’époque, les « cavaliers du changement ».
Vous avez donc aidé à traquer les cavaliers du changement ?
Certains de ces cavaliers du changement étaient à l’époque localisés à Faladié, le quartier où j’habitais à Bamako. C’est là que j’ai fait la connaissance de Sidi, lequel m’a mis en contact avec l’attaché militaire de l’ambassade de Mauritanie à Bamako et m’a également permis d’entrer en contact téléphonique avec le commandant de la garde présidentielle, qui n’était autre que le colonel Aziz. Il m’a assuré qu’en contribuant à leur fournir des renseignements sur les cavaliers du changement, j’accomplissais un devoir civique et que le peuple mauritanien m’en sera reconnaissant.
Finalement, ont-il été localisés ou arrêtés grâce aux renseignements que vous avez fournis ?
J’avoue que je n’avais pas assez de renseignements sur eux. On cherchait, mais pour qui connaît les « cavaliers du changement », ils ne sont pas faciles à traquer. On avait mis le dispositif en place mais on n’a pas eu de résultat positif.
Que sont devenues par la suite vos relations avec le nommé Sidi ?
On a continué à coopérer jusqu’au moment où le colonel Abdel Aziz m’a communiqué son numéro de téléphone. Depuis, lui et moi avons établi un contact direct, on s’appelait à tout moment. Il me demandait des services.
Quels genres de services ?
Le colonel Abdel Aziz me demandait par exemple de lui trouver des animaux comme les biches, les paons parce que, disait-il, il avait un ranch en Mauritanie. Ce que je faisais, via l’ambassadeur de Mauritanie à Bamako. Après les animaux, il m’a demandé d’autres choses.
Que s’est-il passé par la suite ?
Le 15 décembre 2006 au soir, entre 19h et 20h, le colonel Aziz m’a appelé pour me demander d’effectuer pour lui une mission au Ghana. Je devais rencontrer un ressortissant irakien du nom de Ousmane Alawi avec lequel il serait en affaire. Et une fois que cela était fait, je devais attendre sur place ses instructions pour la prochaine étape.
En réalité, les deux étaient en contact du temps où le président Ould Taya était au pouvoir et à l’époque, ils négociaient un deal qui n’a pu aboutir pour des raisons que j’ignore. Mais avec le coup d’Etat ayant emporté Ould Taya et remis en selle le colonel Aziz sous la transition, celui-ci a voulu renouer avec Ousmane Alawi afin de conclure éventuellement leur vieux deal.
Moi j’avais pour mission de retrouver ce monsieur à Accra, alors que je ne savais rien de lui. Sauf son numéro de téléphone qui m’avait été remis par Aziz. Arrivé à Accra, je me suis installé à Quass Hotel, sur la route de Takoradi car il m’avait été dit que le monsieur que je recherchais pouvait s’y trouver.
La même nuit, j’ai retrouvé le dénommé Ousmane Alawi et c’est comme ça que j’ai pu établir le contact téléphonique entre lui et le colonel Aziz. Je précise qu’en arrivant à Accra, je n’avais aucune idée de l’affaire pour laquelle je devais mettre en contact Ousmane Alawi avec le colonel Aziz.
J’ai exécuté la mission en me contentant d’obéir presque aveuglement à ce dernier, ayant pour lui un profond respect, eu égard à son rang social. A Accra, j’ai commencé à comprendre que l’opération dans laquelle Aziz m’avait entraîné était une transaction illégale, peu digne du personnage et de son rang.
Quel rapport avec les accusations portées par Noël Mamère contre le colonel Aziz ?
Ce que j’essaie de vous faire comprendre, c’est de vous révéler ce qui se passe dans l’arrière-cour de ceux qui nous gouvernent. Ces choses pas toujours sues du grand public et dont je n’ai eu connaissance que pour avoir été utilisé, à un moment donné, comme agent de renseignement de ceux qui géraient le pouvoir en Mauritanie.
Est-ce que cela a un rapport avec les propos de ce député français qui accuse le président Abdel Aziz d’être un parrain de la drogue ? A vous et à vos lecteurs d’en faire leur propre lecture. Ce que je veux que vous compreniez, c’est que certains de nos gouvernants usent de leur position pour se livrer à certains coups fourrés.
Réalisée par Assane Niada