J’ai quitté Chinguetti le 22 décembre et suis arrivé 435 km et 18 jours plus tard à Tidjijkja, capitale de la région du Tagant, petite ville fort sympathique peuplée de ses 10000 habitants.
Après être parti de Chinguetti le 22 décembre j’ai effectué une première partie à marche forcée hors piste dans l’objectif de déposer symboliquement le 24 une photo de mon ami Nicolas dans une superbe grotte préhistorique que nous avions découverte par hasard en 2007. Mon compagnon de près de 30 ans d’aventures nous à quitté cette année emporté par un fichu cancer. Il me manque désormais dans mes échappées.
Le 27 décembre j’ai rejoint et suivi plus ou moins pendant 300km la nouvelle route qui relie désormais Atar à Tidjikja, mais qui pour le moment n’est praticable qu’en 4×4, car de grosses dunes rendent une partie de l’itinéraire impraticable aux autres véhicules.
En effet, un litige oppose la société qui a construit cette magnifique route à l’état mauritanien et retarde son désensablement.
Souhaitons qu’une solution soit trouvée au plus vite : la route est primordiale pour lutter contre la pauvreté de cette région. En attendant la ville est approvisionnés par camion grâce à la vieille piste qui quitte le goudron à Aleg, à 300km de là.
Côté santé j’ai eu des ampoules, des tendinites et toujours un gros mal de dos lorsque mon sac dépasse 14 kg, c’est-à-dire 75% du temps.
Mais surtout, certains jours, je souffre d’un épuisement extrême lorsque j’installe le bivouac. C’est la première fois que je marche aussi longtemps avec des températures allant jusqu’à 36°. Il m’est arrivé d’avoir encore 24° le matin au réveil. J’ai songé à abandonner plusieurs fois, mais j’ai tenu bon. Quand je suis trop fatigué, ça me coupe l’appétit et l’envie de faire la cuisine, mais je me force à me faire une soupe que j’essaye d’avaler consciencieusement.
Quand je n’en peux plus je vais dormir chez l’habitant histoire de pouvoir me laver à grande eau et me reposer un peu.
Les jours de vent ça va nettement mieux, mes habits ultra fin et ma chèche imprégnés de sueur jouent alors efficacement leur rôle de climatiseur.
Je ne me rationne pas en eau, s’il le faut j’en porte 6 litres, et je trouve de l’eau dans les campements nomades ou les petits hameaux disséminés le long de la route, je n’ai jamais faire plus de 40 km sans point d’eau.
Le matériel en a aussi pris un coup :
- mon sac à dos de 50l et 840g tient à coup de ruban adhésif et de colle forte dont je suis grand consommateur, ce n’est pourtant que sa troisième (et dernière saison).
- ma chaussure droite, (5eme paire du même modèle en douze ans) est progressivement devenue trop petite, dû à un pli dans la chaussette intérieure en goretex. Au bout de 10 jours, j’ai réussi à sortir la chaussette et j’en ai coupé l’extrémité ; j’ai gagné ainsi une demie pointure. Je soupçonne quand même mon pied droit d’avoir grandi après toute ces années de marche et deux fractures.
- mon panneau solaire de compétition utra performant
à 100 € à lâché au bout de 10 jours, mais heureusement j’en ai trouvé un à Tidjijkja « special nomade », moins puissant, à peine plus lourd et nettement plus solide (12€). Je suis contre le solaire en France parce que notre réseau électrique est le plus décarboné des pays industriels, mais ici c’est vraiment très utile. Beaucoup de mauritaniens sont équipés au solaire, que ce soit pour la charge du téléphone, le fonctionnement du réseau téléphonique, les pompes à eau ou même la télé pour les plus riches.
- j’ai aussi réussi à réparer la tirette de ma tente ce qui sera utile lorsque j’arriverais proche du fleuve Sénégal, de ses moustiques et de son palu.
- et pour finir j’ai du réparer 4 fois mon matelas pneumatique, et c’est pas facile de trouver une baignoire au milieu du désert !
Maintenant je me repose en profitant pendant deux jours de l’hospitalité de la famille de Yahya El Bechir et de son neveu Mehd Ahd Youba Elbechir, qui me prêtent une somptueuse villa pour moi tout seul, et me nourrissent royalement ! Ce n’est pas la première fois en 30 ans de voyages qu’on m’héberge gratuitement, mais chez les Bechir, l’hospitalité de l’islam est à son maximum !
Lundi matin je repars vers le sud avec, normalement plus de vent et donc moins de chaleur.
Mon objectif est de sortir progressivement du Sahara pour rentrer dans le sahel, jusqu’au fleuve Sénégal. A part les 80 premiers km goudronnés, le reste se fera grâce à ma cartographie de photos satellites. J’ai repéré suffisamment de hameaux et de villages pour me lancer dans cette deuxième partie de raid, plus engagée que la première.
Par contre je ne me fixe pas d’objectif de durée, il faudra que je me ménage si je veux arriver au bout.
Ça tombe bien, je n’ai pas pris de billet de retour, et d’ici à ce que j’arrive au fleuve, la France sera peut être de nouveau confinée…
Ne vous inquiétez pas si vous n’avez pas de nouvelles, je pense avoir très peu de réseau téléphonique, et encore moins de connexion internet.
Source : Page facebook Pierre Fritsch