Au cours de ces deux dernières années, l’éducation nationale s’est attelée à trouver le bon réglage pour lancer les réformes annoncées par le président Mohamed Ould Cheikh Ghazouani pour l’émergence d’une Ecole Républicaine à même de mettre fin aux disparités criantes entre secteur public et secteur privé nées de deux décennies de tâtonnement depuis la réforme de 1999. Les grandes lignes de la réforme préconisée dans le programme « Taahoudati » et les actions déjà menées ont été exposées récemment par le Ministre de l’éducation nationale, de la formation technique et de la réforme, M. Mohamed Melainine Ould Eyih, dans l’émission « Liqa khass » (entretien exclusif) de la télévision publique Al Mouritaniya.
Le Ministre de l’éducation nationale, de la formation technique et de la réforme, M. Mohamed Melainine Ould Eyih, a passé en revue diverses questions qui s’inscrivent toutes dans le cadre d’une réforme freinée par la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19) mais qui reste le principal chantier de l’Ecole Républicaine annoncée par Son Excellence le président de la République Mohamed Ould Cheikh Ghazouani dans son programme « Taahoudati ».
Le ministre a d’abord évoqué ce qui est essentiel pour toute réforme, à savoir l’investissement dans les ressources humaines, avec une masse salariale passée de 48 milliards d’ouguiyas à 63 milliards au cours des deux dernières années, et dans la construction des infrastructures scolaires dans le cadre du programme « Mes priorités » (900 classes) et « Mes priorités Elargi » (1000 classes). Il indiquera que la réforme, bien lancée, concerne d’abord l’enseignement de base et qu’elle commencera à donner ses fruits dans six ans, à la fin du premier cycle primaire.
La programmation se fera sur plusieurs années parce que la réforme prend en compte le long terme.
Concernant la Plateforme numérique qui centralise toutes les données du ministère, le ministre dira qu’elle facilite la gestion à la fois du personnel mais également des centaines de milliers d’élèves par l’octroi d’un numéro national permettant le suivi de chaque élève durant tout son cursus. La plateforme permet aussi d’avoir des statistiques fiables. « Elle nécessite le temps et les moyens mais nous avons commencé avec les ressources disponibles », dira le ministre Ould Eyih. « Concernant par exemple l’enseignement privé qui nous posait d'énormes problèmes en terme d’organisation, nous avons introduit déjà les élèves du primaire et ceux du secondaire suivront. Nous pensons que dans 3 à 4 mois, toutes les données seront disponibles », précise-t-il.
Retour en force des cantines scolaires
Relancée il y a quelques jours à partir des régions de l’Est, le programme de nutrition scolaire (cantines) est lié directement au programme du président de la République en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et la marginalisation, dira le ministre de l’Education nationale. Il s’agit d’une approche nouvelle consistant à intégrer le programme dans les politiques nationales de lutte contre la pauvreté (à travers la Délégation Taazour et le Commissariat à la sécurité alimentaire), ce qui fait qu’il n’est plus seulement, comme par le passé, un apport de certains de nos partenaires techniques et financiers.
Les cantines, en plus d’être une aide aux citoyens démunis par la prise en charge alimentaire de leurs enfants, contribuent également à la lutte que mènent les autorités contre la déperdition scolaire. Elles sont aussi, comme par le passé, l’un des éléments favorisant la cohésion sociale parce que les enfants apprennent la notion de partage en vivant ensemble dans des conditions similaires.
Le choix des écoles bénéficiaires est fonction de la situation économique de leurs zones et du nombre des élèves. Les Partenaires techniques et financiers comme de ce vaste programme de nutrition scolaire concernant plus de 700 écoles et dotés d’un financement de 14 milliards d’anciennes ouguiyas sont le PAM (programme alimentaire mondial) et Counterpart International, une ONG américaine intervenant dans le secteur du développement international avec un financement octroyé principalement par des donateurs tels que l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) et le département américain de l’Agriculture (USDA).
La valeur nutritive des produits utilisés est certaine parce qu’évaluée par des experts mais les conditions de présentation de ces repas « moquées » par certains internautes, « sont liées intrinsèquement à l’état de bon nombre d’écoles rurales », reconnaît le ministre en toute franchise ajoutant que le gouvernement travaille, dans le cadre du programme "Taahoudati", à améliorer ces conditions générales.
De l’évaluation des enseignants
Une grande partie de l’entretien a été consacrée à l’évaluation des enseignants « qui aura lieu dans les conditions idoines », affirme le ministre de l’Education nationale, précisant qu’elle répond à deux objectifs : Formation de base et formation continue.
La réforme envisagée passe par le développement des ressources humaines avec le recrutement, depuis 2019, de 1700 enseignants et 400 prestataires de services. Cette année 2021, le département compte engager plus de 1200 nouveaux cadres (800 instituteurs, 300 professeurs) en plus d’inspecteurs et de formateurs des ENIs).
La sélection sera relevée puisque, pour l’ENS, il faut désormais un bac+5. Pour garantir la qualité de l’enseignement, il faut des critères d’entrée et de sortie bien précis. Le ministre dit reconnaitre qu’il y a des insuffisances notoires dans la formation, y compris à l’entrée des écoles professionnelles. Il arrivait souvent que le nombre d’admis réel ne corresponde pas au nombre recherché et donc, on puise dans les « admissibles », explique-t-il, précisant que c’est ce genre de situation qu’il faut éviter à l’avenir.
A un autre niveau, certains parlent même de formation approximative dans les ENI parce que le souci, à un moment donné, était d’arriver au plus haut taux de scolarisation. La quantité au détriment de la qualité. Tous ceux qui entraient dans ces écoles « professionnelles » en ressortaient munis de diplômes les habilitant à enseigner ! Les insuffisances de la formation surgissaient alors sur le terrain. L’évaluation, que personne ne devrait contester, doit servir à déterminer le besoin de formation de chaque enseignant et penser les contenus qui devraient être dispensés. Il faut alors que l’unanimité qui découle de la nécessité de mener une réforme de l’enseignement soit aussi présente au niveau des enseignants sur ce besoin d’évaluation prélude à une offre de formation continue indispensable, même dans un contexte normal, dans la vie professionnelle de chaque fonctionnaire.
Dans cette démarche, le ministre de l’éducation nationale, de la formation technique et de la réforme a rencontré tous les syndicats pour les rassurer quant aux finalités de ce processus d’évaluation devant servir à la connaissance de l’existant pour mieux planifier les formations à dispenser.
L’objectif de l’évaluation n’est donc pas, comme le laissent supposer certains, de discriminer ceux qui seront déclarés « faibles » mais de partir sur des bases saines pour entamer ce volet de la réforme qui est le renforcement des capacités par la formation continue. Il s’agit d’un nouveau départ avec la sortie, dans les prochaines années, d’enseignants d’un nouveau profil, et il va s’en dire, qu’il faut aussi faire profiter ceux qui sont déjà en activité de ces formations qui renferment une forte dose d’innovation didactique et pédagogique.
Cette démarche concerne également l’enseignement secondaire et professionnelle mais le ministère a commencé par le Fondamental, vue son importance en tant que base, et la disponibilité des ressources qui dicte d’opérer des choix programmatique.
Les formateurs seront choisis prioritairement au sein des inspecteurs de l’enseignement fondamental, des professeurs du secondaire et d’instituteurs expérimentés notamment ceux qui ont participé à la réécriture des programmes.
La revalorisation de la profession d’enseignement, dont le projet de loi a déjà été présenté en conseil des ministres, passe par ce besoin de mise à niveau qui profite prioritairement aux enseignants eux-mêmes et aux élèves sous leur responsabilité. L’enseignant qui cherche à s’en dispenser porte préjudice aux élèves, chose que le ministère ne saurait tolérer.
L’évaluation était prévue au temps de la séparation des ministères (enseignement fondamental et enseignement secondaire) et une journée de sensibilisation avait même été organisée avec l’implication des syndicats d'enseignement. Son démarrage a été freiné par l’apparition de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19). A l’époque, aucune voix discordante n’avait été entendue, alors pourquoi maintenant, au moment où l’on s’apprête à la mise en œuvre de ce volet important de la réforme, s’est demandé le ministre.
A ceux qui veulent voir les directeurs des écoles épargnés par l’évaluation, le ministre répond en disant que non puisqu’ils sont chargés, eux-mêmes, de l’encadrement de proximité.
Le sort de 600 instituteurs versés dans l’enseignement secondaire et dont certains sont détenteurs de diplômes de l’enseignement Supérieur a aussi été évoqué. Le ministre de l’éducation nationale, de la formation technique et de la réforme dira qu’il n’y a pas d’opposition notoire mais que le passage d’un corps à un autre est régi par la loi (fonction publique).
D’autres questions subsidiaires, comme la fourniture du livre scolaire produit par l’IPN (Institut pédagogique national) et vendu dans les marchés dix fois son prix habituel, la dotation des Directions régionales (DREN) en véhicules 4x4 ont été abordées. Concernant le livre scolaire, le ministre dira que ce sont des agissements condamnables contre lesquels le département est décidé d’agir fermement. Présentement, les directions régionales recensent les besoins par niveau et par école et se chargent de distribuer les livres en fonction de ces données.
Abordant l’appui financier au secteur privé, le ministre dira que certaines écoles ne sont pas à jour en termes de critères à remplir mais une partie de l’aide a été retenue pour être distribuée aux établissements qui, en fin d’année budgétaire 2020, n’ont pu fournir à temps les informations requises mais qui parviendront à redresser leur situation.
Pour cette année scolaire, le ministre de l’éducation nationale, de la formation technique et de la réforme affirme que l’impact de la pandémie sera plus fort parce que la situation est différente de l’année dernière. « En 2020, le Covid-19 est arrivé à un moment où le programme était déjà bien entamé et nous avons pu opérer un ajustement en prolongeant la scolarité. Ce n’est pas le cas cette fois où nous avons ouvert en pleine pandémie. Nous pouvons certes prolonger, écourter les vacances scolaires, voire en supprimer, mais il faut finir l’année au bon moment (juillet-août) pour démarrer la prochaine rentrée 2021-2022 dans des conditions normales. Une stratégie est en cours d’élaboration pour s’adapter à cette contrainte Covid-19 qui est présente partout dans le monde.
Sneiba Mohamed