Le dossier judiciaire de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz constitue un véritable casse-tête pour l’actuel pouvoir mauritanien, lequel, s’il ne pousse par le parquet de la République ou les avocats de la partie civile à pondre un communiqué afin de mettre l’affaire à l’ordre du jour, s’efforce de traiter la « décennie de corruption » autrement.
C’est à ne pas en douter dans ce cadre que s’inscrit l’atelier organisé hier mardi 26 octobre courant par l’Office de Gestion des Biens Gelés, Saisis et Confisqués, relevant du ministère de la justice, au profit des juges sur les mécanismes de gestion des biens saisis.
Jusqu’à preuve du contraire, de toute l’histoire contemporaine de la Mauritanie, jamais oreille n’a entendu une initiation des magistrats sur de tels sujets chauds et abondants dans la vie du pays, se rapportant aux malversations commises au sommet de la pyramide Etat.
D’ailleurs, c’est seulement en janvier 2020 après l’éclatement du dossier de l’ex Chef de l’Etat Ould Abdel Aziz et face au vide juridique prévalent en cas d’espèce que le Conseil des ministres avait adopté le fameux projet de décret portant création, organisation et fonctionnement d’un établissement public à caractère administratif dénommé « Office de Gestion des Biens Gelés, Saisis et Confisqués et du Recouvrement des Avoirs Criminels », qui est le résultat d’une modification et une extension de certaines dispositions du décret n°2017-127 du 2 novembre 2017.
Sans vouloir parler de ciblage systématique de l’ancien président ni prendre la défense d’un dirigeant non encore blanchi de ses sept chefs d’inculpations par la justice et malgré quelques règlements d’ordre politique dont l’intéressé, en l’occurrence Aziz, est le premier catalyseur, eu égard à son immixtion précoce et méprisante de son successeur et dauphin dans le politique, le président à la démarche réfléchie et sage, après avoir annoncé son départ, toute cette verve officielle sent un acharnement sur l’ancien président qui dépasse le domaine proprement judiciaire.
Il sied mieux aux autorités supérieures du pays, après les déclarations du président Ould Ghazouani, selon lesquelles, cette affaire de l’ex Chef de l’Etat relève de la justice rien que de la justice et que c’est à elle qu’il faut demander des réponses et des comptes, le gouvernement, ici représenté par le ministère de la justice et les autres intrus officiels doivent garder profil bas et laisser les évènements suivre leur cours.
Ceci dit, rien n’avance dans cette affaire d’Etat qui risque de ne pas connaitre d’issue avant l’expiration du mandat arrivé à mi-parcours du président Ghazouani, d’où les fortes chances que le montagne relative à cette affaire accouche d’une souris et que l’ex Chef de l’Etat surgit du tréfonds plus déterminé et engagé à prendre sa revanche, coute-que-coute, vaille-que-vaille, sachant qu’il y va de sa dignité politique et familiale fortement malmenée.
Connu par son arrogance illimitée et comme un lion blessé, si cette affaire n’est pas définitivement épuisée avant 2024, la Mauritanie qui se prépare à se concerter en vue de créer un climat d’apaisement inédit et irréversible, peut toujours se trouver surprise au virage par l’un de ses syndromes à la malienne, guinéenne ou soudanaise.
C’est d’autant vrai que l’office de Gestion des Biens Gelé, Saisis et Confisqués se plaint déjà de défis énormes qui rendent utopiques l’atteinte de ses objectifs à court et moyen terme.
En effet, les défis les plus importants qui empêchent la mise en œuvre optimale des missions qui lui sont confiés selon son Directeur M. Cheikh Ould Hamdi, se traduisent principalement par une mauvaise coordination avec les forces de l’ordre et le ministère public, ainsi que la lenteur à renvoyer les objets saisis à l’Office.
« Des objets qui vont jusqu’à perdre leur valeur du fait de la lenteur des procédures facilitant ainsi leur détérioration ou leur dissimilation », a-t-il mis en exergue.
A propos de l’atelier précité de deux jours, organisé avec le concours du PNUD, il vise à sensibiliser les juges et leurs collaborateurs ainsi que les autres acteurs opérant dans le domaine judiciaire sur les sujets relatifs aux mécanismes de la saisie et des voies de son exécution.
Les secrétaires généraux des ministères des affaires économiques et des finances ainsi que plusieurs magistrats avaient assisté à cet atelier qui sent le « azizien ».
Mohamed Ould Mohamed Lemine