Pourtant le rendez-vous était fixé depuis une année. Et comme chaque année depuis 1991, policiers et manifestants se fixent ce rendez-vous de la honte à cette date du 28 novembre, jour d’indépendance pour les uns et de deuil pour les autres.
Pourtant le rendez-vous était pris suffisamment à temps pour que, soit les premiers, soit les seconds reviennent à la raison pour éviter l’affrontement qui devient un spectacle chaque fête nationale de l’indépendance. Mais une fois de plus malheureusement, ce qui n’amuse plus les mauritaniens épris de paix, de justice et de concorde, a offert du spectacle sanglant par des confrontations délocalisées encore plus violentes.
Les événements survenus à Bababé, selon certaines sources d’une rare violence, interpellent chacun de nous pour mettre du sien afin de mesurer la gravité de la situation politique qui prévaut maintenant dans le pays.
Ces événements, conséquence de l’usage abusif et répressif de la police anti-émeute, ont eus lieu suite à la décision prise par les populations de Bababé de manifester pour dénoncer le « génocide » commis dans la nuit du 27 novembre 1990 à Inal, garnison de l’horreur située dans une petite localité du nord du pays, par des militaires criminels (affiliés à une communauté) contre d’autres militaires innocents (d’une autre communauté).
M’Bagne, N’Gawlé et Boghé. Avant-goût d’un mauvais goût ?
Ces émeutes (semble-t-il) d’une violence inouïe, suscitent bien des interrogations. C’est pourquoi on est bien en droit de se poser la question de savoir si la police du Général Misgharou n’est pas toujours figée dans ses comportements de l’époque de Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya par qui tout le malheur est arrivé. Ou de se poser la question de savoir, si cette police « rechemisée » ne refuse pas de se rendre à l’évidence que le temps de Ould Abdel Aziz est révolu ?
Ce qui est certain, c’est que les agissements de cette police de la terreur commencent sérieusement à souiller la politique de l’actuel président. Peut-être même plus grave encore, est ce que cette police, par des éléments infiltrés et incontrôlés ne refuse-t-elle pas d’épauler la politique du gouvernement de Ghazouani en s’illustrant par des agissements contrôlés ?
Si nous faisons la somme des événements survenus ces derniers temps qui sont les conséquences des maladresses et des imprudences injustifiées de cette police répressive à M’bagne, N’Gawlé, Boghé, Rkiz, Kobeny, Zoueiratt, Nouadhibou, Nouakchott et à Chami, on peut se poser vraiment la question de savoir si certains policiers des brigades anti-émeutes ne sont pas des « résidus » de la police répressive de l’Ex- puissant patron de la Direction de la Sureté de l’Etat, Deddahy Ould Abdallahi qui, dans une interview récente affirmait sans gêne que Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya était l'un des meilleurs officiers de l’armée nationale, qu’il était le plus ouvert de tous à la démocratie et qu’il avait accompli durant sa présidence ce dont l'État avait besoin.
Ce qu’avait dit Deddahy Ould Abdallahi, qui, pour beaucoup de négros mauritaniens était l’instigateur de toutes les dérives policières des années de braises est difficile à faire avaler aux orphelins des déportés dont les plus jeunes sont aujourd’hui assez mures et assez grands pour faire face à la police partout dans la Vallée.
Notre confrère Kane Chérif écrivait le 30 novembre sur la plateforme numérique de CRIDEM que, « face aux révoltes populaires à Bababé et à Boghé, le gouvernement de Ould Ghazouani avait répondu par des répressions policières ». Et d’ajouter : « Cette gestion de la crise sociale par le président mauritanien ressemble fort à un condensé de la politique d’un Etat policier qui est loin de rompre avec les anciennes recettes de l’ex-président Ould Aziz ».
Comme on le voit donc, les termes employés sont forts et s’ajoutent à d’autres mots qui ont été utilisés dans des communiqués multiples dénonçant ces violences policières qui ne contribuent pas du tout à prouver que ce qui se passe depuis quelques temps ne constitue pas « une dérive autoritaire du régime de Ould Ghazouani et un déni de l’existence d’une résistance des populations du Sud, un sud de mieux en mieux encadré par une génération montante d’orphelins qui sont prêts à aller jusqu’au bout et même à se sacrifier pour que justice soit rendue aux victimes et ayants droits des répressions dans le pays ».
FerAllah, Mbahé, Ngawlé, M’Bagne, le volcan qui gronde fera t’il irruption ?
Ce qui est certain, c’est que ceux qui font la sourde oreille ou font semblant de ne pas entendre les grondements de ce volcan prêt à cracher ses laves jouent à un risque élevé.
Pourtant, il y’a onze ans, Ibrahima Moctar Sarr, (ADJ/MR), le sage, rescapé du « Camp Boireau » de Oualata, politicien modéré, avait tiré la sonnette d’alarme. Au cours d’une émission en direct et sur le plateau de la télévision d’Etat il avait mis en garde sur ce qui pourrait arriver si des solutions concertées n’étaient pas trouvées aux problèmes qui mettent dos à dos la communauté Halpoularène et la communauté maure.
Ce problème depuis 31 ans, divise, déchire et donne lieu chaque année à des affrontements sanglants entre policiers et les orphelins des pendus d’INAL.
Le dossier du passif humanitaire, épongé dans le noir, par un noir (Le Colonel Dia) sera-t-il déclassé si oui quand ?
Ce qui s’est passé à Bababé et un peu plus loin à Boghé le 28 novembre 2021, est, -qu’on le veuille ou pas -un véritable séisme répressif. D’une magnitude de « 28.11 » sur une échelle ouverte, ce séisme calculé sur la base de l'amplitude du mouvement de protestation indique, une magnitude caractérisée par une révolte contre le système. Ce qui risque évidement de provoquer des répliques violentes par endroits dans une zone où la température est déjà très élevée à cause du problème foncier et des difficultés d’accès aux documents sécurisés pour les négro-mauritaniens.
La rencontre organisée sous le « sceau de l’urgence » entre le président de la République et l’homme politique Alassane Hamady Soma Bâ dit Balas a été motivée par la dégradation subite de la situation à Bababé. C’est peut être un indicateur de la gravité de la situation.
Des partis politiques, L’UFP, CVE, CVE/VE, CVE/VR, le FPC, ont dénoncé avec véhémence les répressions policières qui sont selon eux, constituent un préalable inquiétant de la dégradation de la situation politique dans le sud du pays.
Ould Ghazouani qui a hérité des conséquences de la politique d’ « épuration » ethnique, biométrique et linguistique déclenchée par le régime de Ould Daddah aggravée par Maaouiya et pervertie par Ould Abdel Aziz serait-il pris en otage par les forces du mal et empêché de mettre fin à ce conflit inter-communautaire?
La question se pose sérieusement. Quelques soient les raisons de ce que ses ennemis considèrent comme un « immobilisme » politique face à cette situation qui se dégrade chaque jour un peu plus, Ould Ghazouani qui, déjà, rien qu’à cause du dossier judiciaire de son prédécesseur (Ould Abdel Aziz) a beaucoup de pains sur la planche, risque d’être très ralenti dans le respect de ses engagements par une opposition en Europe, aux Etats-Unis et en Australie qui prend du poids dans la balance des tacles des fautes commises par son régime.
Cette opposition de la diaspora de plus en plus soudée, par des tirs groupés a marqué des points. Elle avait fait revenir au pays le Général Zayed, elle avait invité la Banque Mondiale à s’ingérer dans le traitement de l’affaire de la Vallée et elle se lance maintenant à l’assaut de la nomination de notre attaché militaire au Maroc.
Ce qui est arrivé, à Inal, à El Azlat, à Sory Mallé à Wothie et à Ngawlé est pour certains inadmissible. Impardonnable même. La cohésion et la concorde nationales commencent à en prendre un sérieux à cause de ces événements qui s’amplifient chaque jour un peu plus. Le devoir de mémoire, la vérité, la réconciliation, la réparation, tous ces éléments réclamés par les victimes et les ayant-droits constituent aux yeux des activistes halpoulars un préalable au retour de la sérénité sur les plaines du Walo et dans les villes de la vallée épicentre des violences.
Mais heureusement, rien n’est impossible et tous les problèmes peuvent trouver leurs solutions. A condition évidemment qu’une volonté politique réelle mette fin à ce conflit judicaire, moral et humanitaire qui nous entraine vers une déchirure inéluctablement s’il n’est pas résolu.
Eviter de faire des halpoulars à la fois des victimes et des accusés.
On ne peut pas quand même imposer à des familles en deuil, à des orphelins sans soutiens, à des marginalisés par une discrimination administrative étendue et flagrante de renoncer à leurs droits pour que la police de Misgharou retourne dans ses casernes.
C’est le contraire qu’il faut envisager. Imposer aux policiers de Misgharou de retourner dans leurs casernes, de ranger leurs fusils lance-grenades, de déposer leurs matraques et de laisser les citoyens quels qu’ils soient manifester pacifiquement où ils veulent et quand ils veulent dès lors que leurs manifestations sont justifiées. La constitution mauritanienne n’est pas écrite par la poudre de lacrymogènes, et la Devise de notre pays n’est pas « discriminés, dépossédés, réprimés ».
Si par une volonté politique Ould Ghazouani ne décidait pas de remettre définitivement de l’ordre dans le désordre politique, moral et humanitaire épouvantable laissé en héritage par ses prédécesseurs, il risque -sans le vouloir-, de faire de la Mauritanie le champ de bataille de Waterloo ce que souhaitent peut-être ses ennemis.
Qu’il se décide ou non, il doit savoir quand même qu’il y’a des extrémistes de tous bords (maures, harratines et négro-mauritaniens) qui n’ont pas l’intention de lui faire cadeau. La bataille sur les réseaux sociaux fait rage depuis quelques temps. C’est peut être une alerte précoce.
Journaliste indépendant