Mercredi 21 décembre, c’était « la Première » pour le ministre Nany Ould Chrougha, (porte-parole du Gouvernement) de faire face à la presse dans la nouvelle salle amphithéâtre flambant neuve de l’AMI (l’Agence Mauritanienne d’Information).
Quatre ministres étaient face à des journalistes dans le décor féérique d’une salle digne de ce nom. Comme d’habitude, des journalistes aussi étaient là. Des vrais, des faux, des bons, des mauvais, et moi (le vieux) évidemment perdu dans un environnement ou grouillaient plus de peshmergas que des professionnels.
Mes confrères ou ceux qui se passaient pour tels ont posé des questions sur un peu de tout. Sur ce qui touchait à l’éducation nationale, à la sécurité intérieure et aux titres sécurisés, à la chasse aux vendeurs de produits périmés, et en fin sur ce que le gouvernement est en train de faire de bon.
La fête était belle. Les ministres n’avaient pas été agacés par ces questions absurdes qui pleuvent en général lors de ces événements hebdomadaires.
Dans la salle grande, aérée et spacieuse quatre caméras de surveillance croissant leurs balayages en X depuis les coins de la Salle. Des hauts parleurs diffusaient un son équitablement à toutes les oreilles des présents dans l’amphithéâtre qu’ils soient ministres ou qu’ils soient ces reporters qui « piquent » le son, à partir du retour du système d’amplification encore mal en point.
La belle salle, on la prendrait pour une salle d’une Assemblée Nationale miniaturisée, comme on pourrait aussi la prendre pour une petite salle d’audience d’un tribunal. Elle est équipée de tables assemblées sur les quelles des micros de dernière génération permettent aux journalistes sélectionnés au grès du ministre de poser leur questions bonnes ou mauvaises assis confortablement.
Et, les beaux micros aux trépieds flexibles donnent envie de poser de bonnes questions. Je n’en ai pas posé ce jour-là simplement parce qu’au cours de ce point de presse là, le jeu des questions et des réponses était stérile.
Mais en écrivant cet article j’ai eu soudain cette envie folle de me poser une question. Celle de savoir combien a bien pu couter ce beau joyau de salle au contribuable mauritanien ? Question qu’il vaut mieux éviter de poser. Elle ferait le même effet qu’une question qu’on poserait à une femme pour lui demander quel est son âge. Les femmes ne veulent pas beaucoup parler de leur âge. Comme d’ailleurs les responsables des établissements publics et parapublics, eux ne veulent pas répondre à ce genre de questions qui fâchent.
Il est évident que la Salle flambant neuve de l’Agence Mauritanienne d’Information a couté ce qu’elle a coûté. C’est à dire un montant qui, certainement comme tous les montants dégagés pour des réhabilitations ou des extensions a été chiffré à la convenance du tâcheron qui lui seul est « fondé de pouvoir » pour déterminer ce que doit couter, la travail pour lequel il a été choisi sur la base de critères déterminants par les intérêts des uns et des autres. Le plus cher possible évidemment pour « racler » les derniers sous des caisses de l’exercice de l’année budgétaire qui s’achève, pour que tout se recommence à zéro l’année suivante.
En tous cas, même si ce montant n’est pas connu, il doit être évidemment très élevé. Parce que la salle, la nouvelle a été « pensée » pour rehausser l’image de l’environnement où le ministre qui porte la parole du gouvernement doit prêcher la bonne cause de son gouvernement, un gouvernement qui a pris un sérieux coup à la suite de très mauvaises critiques à Washington de la part d’une poignée d’activistes en perte de popularité.
Ce que le Ministre a fait et bien fait d’ailleurs quand, -répondant à une question d’un des journalistes, il avait dit que le petit « tapage » fait aux Etats-Unis par Ould K’mach et les autres était un lamentable échec et pour les crieurs dans le mégaphone mais aussi pour celui qui les avait envoyés. Sous-entendu Ould Abdel Aziz, dont le porte parole du gouvernement actuel (Ould Chrougha) a été très longtemps l’un des ministres clés. Ce qui avait entrainé des débats sur des sujets à très grandes polémiques après le déclenchement de l’Affaire dite de la décennie, une affaire qui va envoyer Ould Abdel Aziz peut-être dans les quelques heures qui viennent devant la barre des accusés.
En tous cas certainement que depuis son bureau ou depuis la salle de retour des images des caméras de surveillance de la salle du point de Presse, le Directeur Général de l’AMI, se frottait les mains. Il se frottait les mains satisfait et animé d’un sentiment de satisfaction morale pour l’exploit réussi. Ce qui lui avait fait dire, après avoir salué au départ les quatre ministres : « ce qui est surtout important c’est que maintenant se soient les ministres qui se déplacent pour aller à la rencontre des journalistes et non le contraire comme c’était le cas jusque-là ».
Parole d’un sage et d’un vieux loup de la presse que le temps a rongé et miné et qui a été reconverti, réadapté et mis à jour pour jouer un rôle de « décorateur » du régime de Ghazouani, le seul auquel il n’avait pas « donné le dos » ce qui peut être explique pourquoi il a été propulsé Directeur Général de l’AMI.
Depuis qu’il est à la tête de l’agence officielle d’Information, l’AMI, (octobre 2019), Mohamed Vall Ould Oumer, a revêtu cette institution de l’uniforme taillé sur sa réelle mission. Cette mission d’être à la hauteur du rôle de « régulateur » de la circulation de l’information nationale, ce que lui confère sa ligne éditoriale.
En moins de trois ans, Ould Abbeye, ce « peshmerga » haut de gamme et de qualité supérieure a réussi quand même là ou tous ses prédécesseurs avaient échoués. Il est parvenu à donner à l’Agence Mauritanienne d’Information un Label de professionnalisme et un sens éthique à la hauteur des compétences d’une pléthore d’agents qui étouffent les ressources humaines de l’institution.
En tous cas ce qui est certain c’est que cette salle, (peu importe ce qu’elle aura a couté) rehausse l’image d’une presse nationale qui était tous les mercredis convoquée dans une salle exigüe au 3 éme étage d’un immeuble dont les escaliers sont plongés dans l’obscurité et surtout ce qui est plus grave, dont le plafond avait commencé à céder par endroit donnant des signes très visibles d’une fin de vie.
Beau bijou, beau cadeau, et d’une pierre deux coups, cette salle offre en tous cas un cadre idéal pour les ministres pour venir déverser des arguments qui parfois ne tiennent même pas debout. Et d’autre part, cette salle, comme la plus belle femme au monde ne peut donner que ce qu’elle a. Elle donne à des journalistes (le plus souvent plus médiocres les uns que les autres), un espace pour 80 places assises, un fond de salle pour les caméras, un signal wifi de très haut débit et des micros dignes de la plus honorable auguste assemblée nationale d’Europe ou d’Asie.
L’Agence Mauritanienne d’information sans doute n’a pas lésiné sur les moyens pour construire et équiper cette salle. Si c’était le cas elle a parfaitement raison d’ailleurs. Parce que ce ne sont ne sont pas les moyens financiers qui manquent à cette agence d’information, véritable gouffre financier qui renait des cendres de multiples tentatives de redressements professionnels après de nombreuses chutes dans la sphère de la gabegie et de très mauvaises gestions qui collaient à son passé peu glorieux.
L’Agence Mauritanienne d’Information (AMI), c’est quand même la petite bagatelle de 407.125.000 MRU (budget de 2023). C'est-à-dire seulement 82 millions d’ouguiyas de moins que le budget de tout le Ministère du Commerce de l’Industrie de l’Artisanat et du Tourisme qui s’élève lui à 489.065.104 MRU pour l’année qui commence dans quelques jours.
Construire et équiper une salle de Point de Presse en dégageant un montant même trop élevé c’est pour l’AMI, comme pour un médecin prélever une goutte de sang chez un malade ce qui ne constitue aucun risque pour la santé du patient.
En prévision de la signature des chèques qui seront libellés avant la fin de l’exercice du budget de 2023 (quatre milliards d’ouguiyas), Ould Oumer, Mohamed Vall, le journaliste reconverti en gestionnaire, risque bien de se « cramper » les doigts à moins que quelqu’un d’autre soit appelé à signer à sa place ou à débarrasser son fauteuil de la toile d’araignée de trois années de gestion de sommes faramineuses.
Journaliste indépendant.