J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt et d’attention deux émissions diffusées sur Afromedia (Canada) consacrées à des débats sur des sujets d’actualité dans notre pays. L’une des émissions (diffusée le 23 décembre) avait pour invité Lebatt El Houssein fervent défenseur des droits de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et l’autre émission, (diffusée le 24 décembre) qui avait pour invité Sidi Mohamed Ould Maham, le « témoin » qui est passé des mains de l’ancien président à celles du nouveau président.
Au cours de la première émission Lebatt El Houssein avait pris part au débat du début à la fin. J’ai découvert un homme qui s’était montré responsable, convaincant et c’était peut-être pourquoi, tout au long de l’émission, il avait essayé de rappeler aux mauritaniens toutes les réalisations accomplies par Mohamed Ould Abdel Aziz durant ses deux mandats, réalisations dont, -d’après lui-, toutes les preuves sont consignées dans un livre qu’il exhibait chaque fois avec le même enthousiasme.
Au cours de la seconde émission, celle diffusée le 24 décembre, l’invité était Sidi Mohamed Ould Maham. Avocat, homme politique, personnalité publique et tribale devenue incontournable dans les affaires « Secrets d’Etat » depuis quelques années maintenant.
Tout au long du débat de la seconde émission qui a montré les insuffisances et les incompétences d’un animateur de bas de gamme, Sidi Ould Maham est revenu sur un sujet qui pousse à la curiosité, celle de savoir pourquoi « lui » et « les autres » ont basculé d’un camp à un autre. Sous-entendu du camp de Ould Abdel Aziz à celui de Ould El Ghazouani.
Ould Maham, « caméléon » ou fin homme politique ?
Dans l’une de ses interventions au cours de cette émission écourtée à cause de la présence d’un invité Taleb Ould Abdel Weddoud (un mauritanien sans-papiers insolent et mal éduqué qui vit au Canada très populaire pour son langage vulgaire), Sidi Mohamed Ould Maham n’avait pas eu froid aux yeux pour dire qu’il ne regrette pas d’avoir été ce « qu’il était », et qu’il est fier d’être devenu ce qu’il est maintenant.
En langage politique cela veut dire, ce que -peut être Taleb Ould Abdel Wedoud ne comprends pas, que pour Sidi Mohamed Ould Maham comme d’ailleurs pour bien d’autres moins populaires que lui, aucun président qui soit arrivé au pouvoir par les urnes ou par les armes n’est l’élément essentiel.
« Le Système » c’est beaucoup plus compliqué que ça. Ce que certains comme Ould Abdel Aziz, ou comme Mohamed Ould Maouloud appellent « El Moufsidines » sont les veilleurs de nuits et de jours sur le devenir de la Mauritanie, pays en proie à des multiples difficultés qui pèsent très lourd sur le développement, sur sa politique nationale et internationale, mais surtout sur sa sécurité intérieure, extérieure et sur sa cohésion nationale.
« Le Système » mauritanien est unique dans son genre. C’est un Cartel extrêmement puissant qui a pleins pouvoirs pour piétiner sur les lois, sur les textes, sur les règlements, qui recrute ses membres dans toutes les communautés par des moyens financiers énormes, par des distributions de marchés faramineux, par le financement de certains projets (pour cacher des détournements), par des attributions de concessions rurales ou le plus souvent et couramment par l’accord d’avantages indus.
Ce que beaucoup d’entre nous ne savent pas c’est que ce système, « Le Système » contrairement à ce qui se dit parfois, n’est pas un système « Beydane » comme aime l’appeler ainsi Samba Thiam une vieille loque politique nauséabonde qui sent du racisme et de la haine pourris.
« Le Système » est comme tout Cartel. Il est commandé, dirigé. En Mauritanie le système est commandé et dirigé par des « Beydanes » depuis toujours. Même depuis avant l’indépendance. Pourquoi ? Parce que les maures se sont donnés unilatéralement une longueur d’avance sur les autres composantes de la population qu’elles soient poulars, Soninkés ou Wolofs.
Même si cette longueur d’avance était compréhensible au moment de l’indépendance parce qu’elle était dans l’intérêt du colonisateur, elle ne l’est plus aujourd’hui. Elle ne se justifie même plus parce que, d’une part elle n’est plus méritée si l’on tient évidemment compte des erreurs graves commises au passé par la Mouvance « Beydane baasiste-nassiriste » à l’égard de la communauté noire entre 1986 et 1991. Un quinquennat de l’horreur ou si vous voulez, « ces années de braises » comme les appellent Kaw Touré un raciste inconsolable qui était resté 23 ans en Exil avant de fouler le sol de son pays natal en septembre 2013.
Pourtant le système « Beydane » en tant tel n’existe pas. Des milliers, peut-être même des millions de maures ne se reconnaissent pas dans ce système contre lequel ils luttent depuis 1966 date du déclenchement de la provocation des négro-mauritaniens par la politique de certains maures qui encourageaient cette arabisation à outrance dénoncée par 19 cadres en signant le célèbre manifeste qui porte le chiffre comme référence.
« Le Système ». Un Mafia multiraciale et multiethnique.
Dans ce pays, tout le monde le sait, il existe bien un « système ». C’est « Le Système ». Il évolue dans le temps et dans l’espace, il est vrai, tracté par des « Beydanes » mais qui sont bien soutenus par quelques poulars, des soninkés et des wolofs increvables, recyclables espèces de « transgenre » politiques qui sont des éléments déterminants pour faire faire de la figuration par des négros- mauritaniens.
Si, Taleb Ould Abdel Weddoud dont les propos ne sont écoutés généralement que par la vague de la génération des drogués et des agresseurs ne comprend pas pourquoi Sidi Mohamed Ould Maham était « très » Ould Abdel Aziz hier et, est « très très » Ghazouani aujourd’hui, ce n’est pas parce que, comme il le laisse croire que sa femme avait été « maltraitée » judiciairement pour détournement de deniers publics ou parce que lui il cherche une nomination.
Au sein de la Mouvance de la Majorité, le détournement n’est ni un crime ni un délit. « Le Système » repose sur la mobilisation des capitaux par les détournements des deniers publics, par la corruption, et par la fraude sous toutes ses formes.
« Le Système » n’a pas de préférence pour la personne d’un président. « Le Système » n’a que des intérêts et les intérêts de ce système priment sur tout et même sur la loi et sur la Constitution. Pour comprendre, il faut réécouter attentivement ce que qu’avait dit Sidi Mohamed Ould Maham au cours de son intervention.
A la 8 ème minute de l’émission, Sidi Mohamed Ould Maham, qui dit « ne rien regretter de ce qu’il avait fait par le passé et qu’il en assume l’entière responsabilité ». Et il reconnait que « le Système » des deux époques est le même. Et il ajoute même que ce n’est pas « Le Système » qui a trahi Ould Abdel Aziz mais bien Ould Abdel Aziz qui a trahi le système ».
Ce que Ould Maham a dit explique, sans le dire vraiment, que « Le système » repose sur un noyau dur, un cercle de prises de décisions politiques très fermé et restreint auquel lui appartenait par le passé et auquel il appartient encore aujourd’hui.
En effet Sidi Mohamed Ould Maham n’est pas n’importe qui. C’est un homme politique. Et un homme politique, un vrai homme politique, qui qu’il soit d’ailleurs et de n’importe quel pays qu’il soit, pour faire une certaine politique est obligé de se délaisser de certaines de ses valeurs morales. C’est le prix à payer pour appartenir à un système mais surtout pour appartenir au cercle fermé des très grands décideurs de l’orientation politique d’un pays.
Le Système, le personnel d’un cockpit d’avion.
On peut comparer le Cartel Mauritanien de la politique (Le Système) à l’équipage d’un avion. Responsable de la navigation aérienne d’un appareil, cet équipage peut s’il le veut, naviguer en coupant le transpondeur de bord pour éviter d’être repéré par les radars. Ou pire encore de neutraliser le DME (Distance measuring Equipment), ce dispositif électronique qui permet à un appareil de mesurer la distance qui le sépare d’une balise au sol.
Sur un vol ce sont les membres de l’équipage qui décident du sort des passagers qui est entre leurs mains. En politique, notamment chez nous, ce sont les « très proches » du chef du Cartel qui ont le sort des citoyens entre leurs mains. C’est pourquoi, que le vol soit long ou court courrier, il peut être parfois très pénible pour les passagers.
Mais ces passagers c’est nous les citoyens qui nous étouffons sous le poids de querelles politiques entre les sortants (les Aziz) et les entrants (les Ghazouani) qui sont pourtant des joueurs qui appartiennent tous à la même équipe, qui ont un seul et même objectif celui de gagner le match qui leur rapporterait à tous, groupés ou séparément des milliards volés sur nos dos.
Cette « plaisanterie » a assez duré. Les deux débats qui ont été organisés par la Plateforme Numérique de Presse en ligne canadienne ne nous ont rien appris du tout. Ou peut-être simplement ces deux débats nous ont rappelés que, Sidi Ould Mohamed Ould Maham, (celui par qui le malheur de l’arrivée au pouvoir de Ould Abdel Aziz est arrivé), met toujours son masque de bronze sur le visage quand il parle politique. Cela s’appelle faire de la politique de profit et d’intérêt.
Ce débat nous révèle aussi à quel point encore certains mauritaniens son très nostalgiques de la décennie de Ould Abdel Aziz, décennie au cours de laquelle l’ancien président a fait beaucoup plus que ce qu’ont fait tous les chefs d’état qui se sont succèdés ces cinquante dernières années. Mais dans son propre intérêt avant tout, intérêt qui passait de la location d’engins de travaux publics à l’acquisition de domaines fonciers de très haute valeur spéculative activités qui étaient soutenues par une corruption attractive.
Mais je crois surtout que ces deux débats sur Afromédia Canada nous ont montrés que les mauritaniens sont très divisés entre deux camps. Le camp de Ould Abdel Aziz qui se « renforce » petit à petit grâce à des « séparatistes » qui se sont détachés du « Système » UPR/INSAF, et le camp de Ould Ghazouani, un camp qui déborde d’une majorité de soutiens qui ont été mobilisés par Sidi Mohamed Ould Maham, Vatimetou Mint Abdel Malick tous deux considérés parmi les plus puissants de la branche politique du système, mais aussi par le très populaire Général à la retraite Hanana Ould Sidi de la branche militaire du système qui fait bien de la politique sans la faire.
Mais entre nous, la Mauritanie ce n’est pas que Ould Abdel Aziz et Ould Ghazouani. Ce que l’un était par le passé pour l’autre et ce qu’ils sont aujourd’hui l’un pour l’autre on s’en fout. Ce qui doit nous préoccuper dans notre ensemble et pour lequel tous les progressistes mauritaniens doivent s’unir pour se battre, c’est d’essayer de réussir l’ablation de cette tumeur qui ronge même les fondements sociaux économiques et politiques du pays.
Cette tumeur, c’est ce « système » où, des « Beydanes » mais aussi leurs valets de’ « Nègres de Services » commencent à nous taper sur le système par ce désordre fou qui ébranle l’unité et la cohésion nationale. Et de leur faute.
Journaliste indépendant.