RELIGION - Du 25 au 28 janvier, Marrakech s’est transformée en capitale de la tolérance religieuse à l’occasion de la conférence sur la protection des minorités religieuses dans les sociétés musulmanes.
Lors de l’ouverture de ce congrès qui a pour thème "Les droits des minorités religieuses en terre d'Islam: Le cadre juridique et l'appel à l'action", le roi Mohammed VI a adressé un message aux participants, dans lequel il a appelé à respecter les minorités religieuses.
"La question dont vous allez débattre, à savoir ‘les droits des minorités religieuses en terre d'Islam’ n'aurait, à priori, pas lieu d'être posée, tant sont connues les prescriptions et les enseignements de l'Islam et du patrimoine islamique en la matière. Cependant, les faits qui ont conduit à soulever la question dans la conjoncture actuelle, induisent pour les musulmans le devoir de préciser que ces faits ne reposent sur aucun des textes de référence en Islam. Il leur appartient, en effet, de démontrer, au besoin, que certains de ces événements, sous couvert de religion, sont intervenus dans des contextes et avec des motivations qui n'ont aucun rapport avec la religion", a d’emblée souligné le roi Mohammed VI.
"Rien ne nous paraît justifier, au royaume du Maroc, que des minorités religieuses soient privées de l'un quelconque de leurs droits".
"Rien ne nous paraît justifier, au royaume du Maroc, que des minorités religieuses soient privées de l'un quelconque de leurs droits. Nous n'acceptons pas que ce déni de droit soit commis au nom de l'islam, ou à l'encontre d'un musulman, quel qu'il soit. Cette conviction qui nous anime procède d'une juste appréhension des préceptes de la religion. Nous la puisons aussi dans notre patrimoine civilisationnel et dans l'histoire séculaire du royaume où les musulmans ont vécu en bonne intelligence avec les adeptes des autres religions", a ajouté le souverain.
Dans son texte, le roi s’est d’abord référé à un verset du Coran sur les différences, qui a "instillé chez les musulmans leur disposition à accepter le pluralisme", et la tradition prophétique, en rappelant que le "prophète recommande d'être bienveillant à l'égard des juifs et des chrétiens".
Pour Mohammed VI, la "coexistence pacifique multiforme de l'Islam avec les adeptes des autres religions a eu un impact bénéfique dans tous les domaines d'activité, y compris les transactions commerciales, les métiers et les industries et les échanges culturels. C'est dire que pour l'islam, la paix et la sécurité sont à la base des rapports avec les autres religions".
Le roi Mohammed VI est ensuite revenu sur le cas du Maroc, qui, au cours de son histoire, a connu "un modèle civilisationnel singulier de coexistence et d'interaction entre les musulmans et les adeptes d'autres religions, notamment les Juifs et les Chrétiens. Parmi les pans lumineux de l'histoire de cette concorde s'affirme la civilisation maroco-andalouse issue de cette convergence interreligieuse. En effet, commerces, arts se sont développés entre ces communautés qui partageaient aussi les fruits de la sagesse, de la philosophie et des sciences".
"Les Musulmans marocains n'ont jamais traité les Juifs comme une minorité"
"Ces échanges se sont d'autant plus intensifiés qu'un grand nombre de musulmans d'Andalousie se sont déplacés au Maroc dans des conditions difficiles, accompagnés de juifs venus rejoindre leurs coreligionnaires installés dans le pays bien avant l'avènement de l'islam. D'ailleurs, les Musulmans marocains n'ont jamais traité les Juifs comme une minorité. Mieux encore, et à l'image des musulmans, les juifs étaient présents dans toutes les activités et dans tous les domaines. Emanant de toutes les strates de la société, ils prêtaient leur concours à la construction de la société et exerçaient pour cela des fonctions et des charges au sein de l'appareil d'Etat, tout en portant la marque distinctive de leur culture. N'eût-été ce climat de quiétude et de droits dont ils jouissaient, ils n'auraient pu apporter la contribution qu'on leur reconnaît, jusqu'au jour d'aujourd'hui, aux sciences religieuses par la somme des efforts interprétatifs remarquables dont s'est enrichi le patrimoine juif mondial".
"Nous nous chargeons de préserver les droits des musulmans et des non-musulmans sans distinction entre eux.
"Nous nous chargeons de préserver les droits des musulmans et des non-musulmans sans distinction entre eux. Nous protégeons leurs droits en tant que religieux, conformément aux principes de référence immuables que nous avons mentionnés précédemment. Nous les protégeons aussi en tant que citoyens en vertu de la Constitution. Nous ne voyons pas de différence en cela, au vu des objectifs et des finalités recherchés. Nous tenons de la sorte à persévérer sur la voie tracée par Nos glorieux Aïeux".
Mohammed V a protégé les juifs marocains du régime de Vichy
Et le roi Mohammed VI de rappeler que le sultan Moulay El-Hassan avait fait don d'un lot de terrain sur lequel se dresse jusqu'à présent l'Eglise Anglicane de Tanger, que le roi Mohammed V a pris sous sa protection les juifs marocains pour les prémunir contre la tyrannie du régime de Vichy allié des Nazis, et le roi Hassan II, a pris l'initiative d'accueillir le Pape Jean-Paul Il à l'occasion de la première visite que celui-ci a effectuée dans un pays musulman.
"Nous perpétuons la même tradition en permettant aux Chrétiens, toutes communautés et églises confondues, résidant légalement au Maroc d'accomplir leurs devoirs religieux. Nous nous attachons aussi à ce que les Marocains de confession juive jouissent des mêmes droits que la Constitution attribue aux musulmans. C'est ainsi qu'ils adhèrent aux partis, participent aux élections, créent des associations et apportent des contributions méritoires à l'activité économique. Ils remplissent aussi pour Notre Majesté des missions consultatives et diplomatiques et tissent avec le reste de la société des liens affectifs profonds que les enfants de la deuxième génération de juifs ayant émigré aux quatre coins du globe continuent d'entretenir jusqu'à présent".
Sous la houlette du ministère des Habous et des affaires islamiques, la conférence qui se tient à Marrakech entend examiner entre autres le contexte historique, les principes religieux et les cadres juridiques affectant les minorités religieuses dans les sociétés à majorité musulmane.
Le site spécialisé Religion news, cité par Yabiladi, indique que les 300 dignitaires et savants musulmans attendus lors de cette rencontre ambitionnent de se baser sur la Charte du prophète élaborée au VIIe siècle pour rendre une déclaration finale à destination des pays musulmans et ainsi affirmer la tradition musulmane en matière de protection des minorités religieuses.
Parmi les personnalités attendues, l'envoyé spécial par intérim auprès de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), Arsalan Suleman, le Conseiller spécial pour les minorités religieuses au Proche-Orient et en Asie centrale et du Sud, Knox Thames, le directeur exécutif de la mosquée All Dulles Area Muslim Society en Virginie aux Etats-Unis, Mohamed Magid, ou encore le Cheikh Hamza Yusuf, co-fondateur de la Zitouna College of Arts aux Etats-Unis, premier collège d'art libéral musulman.
La question des minorités dans les pays musulmans appelle un traitement global et sans exclusion, a affirmé lundi le secrétaire général de l'organisations des Nations unies (ONU), Ban Ki-Moon. Dans une allocution lue en son nom, à la cérémonie d'ouverture de la rencontre, il a estimé que toute société est appelée à clarifier les relations existantes entre l'Etat et la religion ainsi que la question du respect des principes universels et le respect des droits des différents groupes humains.
Le Maroc, qui est particulièrement actif dans la promotion d’un islam tolérant (en formant notamment des imams), se positionne aujourd'hui en maillon fort dans la lutte contre l’extrémisme religieux.