Nouakchott a abrité du 12 au 14 février 2019, un atelier national sur la gouvernance équitable des migrations de travail, défis et opportunités, avec un volet consacré à la migration au Maghreb par le biais du programme sous-régional « Appui à la migration équitable pour le Maghreb (AMEM) » du BIT. Il a été organisé par le Ministère de la Fonction Publique, du Travail, de l’Emploi et de la Modernisation de l’Administration, avec l’appui du Bureau International du Travail (BIT), grâce au financement de l’Agence Italienne de Coopération et du Département de Travail du gouvernement des Etats-Unis d’Amérique. Il s’agissait au cours des trois jours d’atelier, de définir un nouveau modèle de relations professionnelles et de mobilité pour l’emploi en Mauritanie, en favorisant des pratiques de recrutement équitable, tout en veillant à la prévention du travail forcé et la traite des êtres humains.
La première journée de sensibilisation était consacrée à l’introduction aux normes internationales de la migration du travail, du recrutement équitable, du travail forcé et de la traite, ainsi qu’aux outils de renforcement des cadres de gouvernance de la migration du travail. La deuxième journée a porté sur une réflexion participative des partenaires institutionnels et des mandants mauritaniens pour l’identification de priorités et d’approches nationales. Plusieurs recommandations ont été formulées aux termes de travaux pendant lesquels les participants s’étaient scindés en quatre groupe : les systèmes d’information sur la mobilité (1), le dialogue social (2), l’intermédiation publique et privée et protection des travailleurs migrants (3), le cadre législatif de la migration de travail domestique et le travail forcé (4).
Enfin, la troisième journée a consisté en un travail technique de programmation des activités nationales du nouveau programme sous-régional du BIT, le programme d’Appui à une migration équitable pour le Maghreb (AMEM) en coordination avec le projet Bridge.
Dans le mot d’ouverture qu’il a prononcé à l’ouverture de l’atelier, le Secrétaire général du Ministère de la Fonction Publique, M. Ahmed Ould Mohamed Mahmoud Ould Deh, a souligné que la Mauritanie a très tôt fait face aux questions liées à la migration, en adaptant sa législation nationale aux principaux instruments internationaux ratifiés dans le domaine de la migration, du travail forcé et de la traite. Il a souligné que l’atelier de Nouakchott « constitue le lancement du projet d’Appui à la migration équitable de la main d’œuvre dans les pays du Maghreb arabe », exécuté par le Bureau International du Travail (BIT), en collaboration avec son département. Ce projet s’inscrit selon lui dans le cadre de la politique nationale en matière de migration et vise à contribuer au renforcement des compétences des différents acteurs ciblés, assurer une bonne gouvernance de la migration du travail au niveau national et développer la coopération régionale.
Auparavant, Mme Aurelia Segatti, s’exprimant au nom du Directeur du Bureau de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) à Alger pour les pays du Maghreb, M.Mohamed Ali Deyahi, s’est dite réjouie par cette initiative qui permettra selon elle de consolider la collaboration entre son organisation et les autorités mauritaniennes sur les « thématiques liées à la migration pour l’emploi, le recrutement équitable, la lutte contre le travail forcé et la traite des personnes ». Elle a évoqué le caractère exceptionnel de l’année 2018 qui a été marqué par l’adoption à Marrakech du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, ce qui constitue, dira-t-elle, « une affirmation de la valeur du multipartisme comme instrument de consensus et de résolution des questions politiques complexes de notre époque ». Evoquant l’agenda régional de l’Union africaine, notamment le Programme conjoint sur la Migration du Travail de 2015, le Protocole sur la liberté de circulation (2018) et le Cadre politique de l’Union africaine sur la migration (2017-2030), elle a félicité la Mauritanie pour avoir approuvé en Conseil des Ministres du 31 janvier 2019 la ratification de deux conventions de l’OIT, dont la C 143. Elle a rappelé en fin, les nombreux cadres de références non-contraignants pris par l’OIT ces dix dernières années, dont certains spécifiques au Maghreb, terminant son allocution par le rappel de quelques défis qui continuent à se poser à la Mauritanie, comme le recrutement des travailleurs mauritaniens placés à l’étranger ou encore, le recrutement de la main d’œuvre étrangère dans le secteur des BTP.
Mohamed Belarbi, Conseiller technique principal à AMEM (Tunisie) avait pour sa part, à l’entame de la journée, esquissé une brève présentation de ce programme sous-régional maghrébin qui regroupe la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye, soulignant qu’une journée de sensibilisation devrait concerner les aspects normatifs de la migration au Maghreb, notamment la migration équitable en prenant en compte le flux de migrants ouest-africain.
Pendant quatre jours, les participants ont suivi diverses communications, notamment « Les enjeux de la mobilité pour l’emploi en Afrique et en Mauritanie », « Aperçu des normes et cadres internationaux et régionaux », « Outils de gestion et exemples d’appui technique pour la migration du travail ». Ils ont également débattu de plusieurs autres questions comme le système d’information sur la mobilité, le dialogue social, l’intermédiation publique et privée et la protection des travailleurs migrants, le cadre législatif de la migration. Ces séances ont été émaillées de travaux de groupes pour discuter du rôle des mandants et la mise en œuvre des interventions possibles et pertinents pour chaque acteur (gouvernement, patronat, syndicats, société civile).
TEMOIGNAGES
Marc Ninérola, responsable du projet Bridge en Mauritanie : « l’atelier tombe à pic, juste au moment où le Conseil des ministres vient d’adopter le projet de loi pour la ratification de la C 143, convention capitale par rapport à la question de la migration et la promotion de l’égalité. Du point de vue du projet Bridge, cette convention est importante car certains articles portent sur les relations de travail pouvant entraîner des conditions de travail forcé, notamment l’article 2. En ratifiant cette convention, l’Etat s’attache à déterminer s’il existe des migrants illégalement employés en Mauritanie, en provenance ou en partance de la Mauritanie, ou en transit, et qui seraient susceptibles de tomber dans le travail forcé, l’exploitation ou la traite, ce qui renvoie à l’esprit de la C029 sur le travail forcé et son Protocole de 2014, sur lesquels travaille le projet Bridge ».
Ms.Lotte Kejser, Experte en migration du travail à « Free Movement of Persons and Migration (FMM) in West Africa » Abuja (Nigéria) : « je pense que l’atelier survient à point nommé et je me félicite de l’invitation adressée par la Mauritanie aux experts internationaux, notamment ceux du BIT et du FMM que je représente, pour ces journées de sensibilisation, de coordination et de programmation. La Mauritanie avait déjà développé en 2018 un plan d’action qui est actuellement en phase de mise en œuvre et d’exécution sur la migration du travail. Ce qui est encourageant car cela prouve un très fort engagement des autorités mauritaniennes sur cette question. Je me réjouis surtout de l’implication de la CEDEAO, au sein de laquelle la Mauritanie est observateur, notamment dans le domaine de la mise en œuvre et de la planification. Nos attente sont ainsi grandes par rapport aux résultats de ces journées, ce qui augure de relations fortes avec l’espace CEDEAO qui peut appuyer la Mauritanie en lui fournissant des outils déjà prouvés dans le domaine de la migration du travail, du travail forcé, notamment le travail des enfants et de la traite, des questions fortement liées. Je suis donc très satisfaite aussi de l’engagement des autres partenaires, d’autant que l’atelier porte aussi bien sur des aspects technique que financiers ».
Boubacar Sidiki Traoré, Secrétaire général du Conseil supérieur de la diaspora malienne en Mauritanie : « Je suis très satisfait de l’atelier, car cela m’a permis de découvrir des textes de loi mauritaniens et des traités internationaux ratifiés par la Mauritanie sur les droits des travailleurs migrants. Il s’agit d’un cadre juridique qui existe, pour certains depuis très longtemps, et que j’ignorais parfaitement. Grâce à ces trois jours, j’ai pris conscience des nombreux droits dont jouissent les migrants et qu’ils méconnaissent jusque-là. Je pense qu’il faudrait diffuser ces textes et les vulgariser auprès des migrants résidant dans le pays pour que chacun puisse connaître ses droits et ses devoirs ».
NGoné NDione, présidente des femmes migrantes en Mauritanie (regroupe une dizaine de nationalités ouest-africaines) : « j’ai pris connaissance de plusieurs instruments juridiques mauritaniens et internationaux de protection des migrants, notamment les travailleurs migrants et en particulier les femmes domestiques étrangères. Je me réjouis de la signature récente par la Mauritanie de la Convention 143. Si réellement les dispositions de ces textes de loi sont appliquées, les migrants vivant en Mauritanie vivront en paix et ne connaîtront plus ces nombreuses exactions qu’ils rencontrent. Les femmes domestiques souffrent le plus, car elles sont victimes de plusieurs exactions dont les plus récurrentes sont les abus sexuels sur leur lieu de travail et le refus des employeurs de les payer après deux, trois mois de salaires cumulés. Cela frappe paradoxalement des filles que des familles déplacent ailleurs, dans d’autres villes mauritaniennes. Sans salaire après plusieurs mois de travail, face à des employés souvent puissants, ces filles sont obligées de passer par des voies peu orthodoxes pour trouver de quoi payer leur voyage de retour vers Nouakchott ».
Niang Mamadou, Confédération Générale des Travailleurs de Mauritanie (CGTM) : « mes attentes étaient surtout liées à une meilleur connaissance du programme AMEM dans sa dimension régionale et nationale et ensuite, savoir quels sont les instruments que l’on peut utiliser pour mieux faire avancer les droits des travailleurs migrants en Mauritanie. Je voulais surtout avoir une meilleure idée sur les synergies entre les différents pays pour ce qui est de la gouvernance de la migration au Maghreb, puis comment harmoniser les conventions internationales ratifiées par rapport à la législation nationale. Je me félicite dans ce cadre de la signature récente de la C 143 par la Mauritanie qui vient d’être adoptée en Conseil des ministres. Enfin, il fallait que je m’imprègne davantage sur les outils pour mieux comprendre la gouvernance et là, nous avions eu droit à une importante communication sur les outils qui a permis à chacun de savoir quoi faire face à telle ou telle situation. En dernier lieu, je me suis davantage réjoui que les droits des travailleurs migrants sont de plus en plus considérés dans le monde, dans la sous-région et dans le pays, ce dont je me réjouis énormément ».
Cheikh Aidara
authentic.info