Né à Mopti, Yaya Cissé est un jour tenté par l’aventure. Après des études en transit, il arrive à Bamako avant de rallier Kayes. De là, il finit par rejoindre la Mauritanie et s’installe à Nouadhibou sur des conseils, car la deuxième ville du pays abrite un important port de pêche « où prospèrent les activités de transit ». Très vite, il devient une référence et accueille les jeunes Maliens qui arrivent. Il finit par représenter les Maliens de la localité et crée l’association Yèrèko, qui sensibilise contre la migration clandestine et participe à la lutte contre le Sida. Entre sa participation active à la lutte contre le Sida et son soutien aux Maliens en difficulté, Yaya Cissé était souvent amené à se déplacer. C’est ainsi qu’il s’est rendu à Bamako pour trouver un terrain d’entente dans une affaire concernant un Malien, Sambou Sidibé, dont le véhicule a été saisi et vendu « pour un différend entre son patron et des Mauritaniens », selon M. Tafari Tangara, porte-parole du Collectif pour la libération de Yaya Cissé. Quelques jours après son arrivée à Bamako, il est informé de l’arrestation de certains Maliens, détenus dans une affaire de meurtre, celui d’un homme âgé d’environ 70 ans dont le corps démembré a été retrouvé. Parmi les personnes suspectées, une Malienne dont le numéro de téléphone a été retrouvé parmi la liste des appels reçus par le disparu. Après diverses démarches et enquêtes, plusieurs personnes sont relâchées, leur seul lien avec l’affaire étant d’avoir appelé la suspecte, une Malienne qui faisait leur lessive. Finalement, il ne resta plus l’ancien mari de la suspecte et certains de ses amis, qui ont fini par être disculpés suite à l’aveu de cette dernière, qui affirmera les avoir accusé pour « se venger ». À sa demande, Yaya Cissé, qui continuait à se battre pour les Maliens en difficulté, s’engage à lui trouver un avocat avec l’appui de sa famille. Une somme d’environ 400 000 francs CFA remise à cet effet a été versée à l’avocat contre un reçu de paiement, selon l’épouse de Yaya Cissé. Mais la principale suspecte niera ce paiement et finira par accuser M. Cissé du crime. « C’est donc elle qui fait et défait le procès », déplore Madame Cissé. Une suspecte « portée disparue » depuis sa libération, ajoute-t-elle. En quête de vérité Après 28 jours de détention préventive, Yaya Cissé avoue sous torture, selon le Collectif pour sa libération, qui espère alors qu’un procès équitable permettra à la vérité de se faire jour. En vain. M. Cissé est jugé et condamné à mort en première instance en 2012. Une peine confirmée en appel. Et, il y a quelques jours, la Cour suprême a confirmé cette décision. En désespoir de cause, l’épouse de M. Cissé souhaite une réouverture du dossier pour un autre procès, car plusieurs pièces, selon elle, plaident pour l’innocence de son époux, dont son absence du territoire mauritanien le jour du crime. Malgré plusieurs demandes demeurées sans réponse, elle espère que les autorités maliennes et mauritaniennes entendront « ses cris » pour éviter de « condamner un innocent ». N’excluant aucune des options à sa disposition, dont celle du pardon de la famille de la victime, même à la condition de la reconnaissance des faits, Madame Cissé n’espère qu’une chose : la libération de Yaya Cissé, privé de liberté depuis 9 ans et éloigné depuis de sa famille. Transféré à plusieurs reprises, il est maintenant détenudans une zone située à 1 300 km de Nouadhibou, lieu de résidence de sa famille. À 44 ans, dont 17 ans passés en Mauritanie, la famille et les soutiens de Yaya Cissé, espèrent le voir recouvrer la liberté et que la lumière jaillira dans une affaire qui en a fait souffrir plus d’un. Fatoumata Maguiraga