Trop c’est trop ! Le pouvoir du président Mohamed Ould Ghazouani n’arrive pas à rompre avec les pratiques vivement décriées érigées en système par ses prédécesseurs, alors que les messages adressés par ses soins ainsi que par son Premier ministre Mohamed Ould Bilal dégagent une volonté manifeste de changer le statu quo.
Deux ans environ après sa prise de fonction, l’actuel homme fort du pays, qui a bénéficié pendant une longue période de la retenue des médias et des partis politiques, lui accordant suffisamment de temps, pour se ressaisir, rectifier les erreurs, relancer et refonder le service public sur des bases saines et transparentes, notamment en matière des nominations aux fonctions administratives publiques, se retrouve de nouveau dans le pré-carré d’antan.
Chassez le naturel, il revient au galop, peut-on se permettre de dire, quant au retour, du népotisme, du clientélisme, du tribalisme et du régionalisme mais encore plus grave des pontes des anciens régimes, réputées par leurs malversations, détournements, corruption et carences pédagogiques, au moment où le pouvoir de Ghazouani se présente comme étant le justicier par excellence des corrompus.
Réagissant sur le portail Cridem sur les mesures individuelles du Conseil des ministres du 10 juin dernier, un internaute disait : «et encore un énième remaniement pour faire semblant. Toujours les mêmes, à quelques très rares exceptions, les compétences sont absentes. On reprend les mêmes, prête-moi y’a place, en échange de la mienne et la médiocrité s’installe. Couper les têtes de vos mini sinistres ainsi que tous leurs collaborateurs.
C’est la vraie gabegie : occuper des postes, prendre des avantages (indus) car ne rien donner en contrepartie au pays et à la population. 2 ans après, y’a t-il un résultat ? Faisons les comptes.
Mais ce sont les éditorialistes, dont les plus illustres de la Mauritanie qui viennent de rompre le silence et de vilipender avec véhémence l’inertie et cette tendance persistante et malsaine des premiers dirigeants du pays à faire du neuf avec de l’ancien, dans l’espoir de détromper la vigilance de l’opinion et l’impatience dans l’avènement de véritables réformes au sein de la pyramide Etat.
Cheikh Tidiane Dia, le Directeur de publication du « Le Rénovateur » s’interrogeait au début dans son éditorial de la semaine titré « Destin d’une Nation ! », si nous avons « les hommes qu’il faut pour présider aux destinées d’un pays pauvre d’une diversité hélas banalisée voire piétinée ».
Et de faire remarquer qu’« au lieu de prendre garde et s’employer à resserrer les rangs, nos fameux dirigeants multiplient les maladresses et rompent le fil très fragile des rapports communautaires ».
Et d’ajouter plus loin : « Dans les concours, les nominations récurrentes en conseils des ministres les mêmes pratiques d’exclusions se suivent et se ressemblent », se demandant « comment trouver normal le monopole par une seule communauté des trois grandes entreprises de presse publique exclusivement monoclore », et de poursuivre « quels autres mots utiliser pour qualifier ces faits que le déni du droit qui n’a d’égal que du cynisme illimité. Sans perdre du temps à s’attarder sur les profils des hommes ».
Ahmed Ould Cheikh, le directeur de publication du « Le Calame », omniprésent éditorialiste qu’aucun pouvoir mauritanien n’a pu détourner pendant un demi-siècle de sa passion infaillible de dresser depuis des années en toute fidélité et objectivité l’état des lieux de la Nation, sans nier aux régimes leurs exploits, mais tout en observant la tolérance zéro vis-à-vis de leur abus et excès, dit dans son éditorial de cette mi-juin 2021 intitulé « usés jusqu’à la corde »:
« Les nominations et permutations de secrétaires généraux en divers ministères, ainsi que d’autres hautes fonctions, opérées lors du dernier conseil des ministres, n’ont laissé indifférents ni les internautes, ni la classe politique, encore moins les simples citoyens ».
Et d’ajouter : « Si certains y ont vu un juste retour des choses pour des hommes et des femmes qui ont soutenu le candidat Ghazwani et s’attendaient à être récompensés en conséquence, d’autres les ont considérées comme un éternel recyclage ou, pour être méchant, un acharnement thérapeutique ».
Et de poursuivre : « il n’est en effet guère normal que les mêmes continuent à occuper le devant de la scène, comme si le pays ne pouvait plus s’en passer. La Mauritanie regorge de cadres compétents et honnêtes qui ne demandent qu’à être mis à l’épreuve », mettant en exergue les compétences incontestées et la riche expérience acquises par « nos cadres expatriés », qui sont prêts à se mettre au service de la Nation.
Tout le monde se dit enclin à mettre la main à la pâte. Mais, comme l’a si bien dit Mohamed El Mounir, à condition de ne pas « privilégier, dans les nominations aux plus hautes responsabilités publiques, les considérations personnelles, relationnelles et clientélistes à l’impératif de l’efficacité ».
Non loin de ce sujet, le non moins grand Rédacteur en Chef du tabloïd mauritanien l’Authentique, Cheikh Aidara écrivait à propos de l’instabilité des gouvernements en Mauritanie, disant :
«Dans les réseaux sociaux et les salons, il n’était en effet question que de l’insatisfaction du Chef de l’Etat par rapport à la performance -ou plutôt la contreperformance- de beaucoup de ses ministres sur lesquels, une partie de son programme politique repose ».
Et d’ajouter : « seulement, la logique des dernières nominations qui a vu le départ de quelques poids lourds, tel que le Ministre de la Santé, Mohamed Nedhirou Hamed, et le maintien de la quasi-totalité des anciens détenteurs de portefeuilles, est allée bien en-deçà de beaucoup d’attentes ».
D’aucuns n’ont pas caché leur insatisfaction à l’issue de ce mini-remaniement, face à certains nouveaux entrants, mais surtout, face au déplacement de précieux pions qui avaient commencé à produire d’excellents résultats dans leur département.
Les analyses faites par ces deux illustres éditorialistes sont quasiment les même exprimées par les blogueurs et les internautes sur les réseaux sociaux, montrant un profond sentiment de frustration et de pessimisme des élites du pays dont les gouvernements successifs ne cessent de cumuler les erreurs fatales les unes après les autres dans une Nation très fragile et tiraillée par des lobbys affairistes, tribaux et régionaux sans foi ni loi et par un contexte régional en forte ébullition.