Lorsque ses doigts se posent sur son ardin, le silence se fait autour d’elle. Les cordes de cette harpe mauritanienne sont autant de fils qui relient Malouma Mint Meïddah à la tradition musicale de son pays. Un patrimoine qu’elle voit disparaître avec nostalgie. Alors, avant qu’il ne s’envole, elle l’a capturé en 2016 dans un double album, Chants populaires traditionnels hassani mauritaniens.
Elle y a réuni dix grands artistes originaires du Trarza (Sud) du Brakna (Sud-Ouest) ou encore du Hodh el-Gharbi (Est) et du Tagant (Centre). Les vingt compositions (appelées echouars) choisies, tantôt bluesy, rythmées ou mélancoliques, suivent les modes de la musique maure, dont son père, Moktar Ould Meïddah, fut l’un des grands maîtres. Dans ses propres créations – dont la dernière, Knou, est sortie en 2014 -, elle n’a jamais cessé de lui rendre hommage, tentant même de le ressusciter dans ses chansons.
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Elue sénatrice
Née en 1960 près de Mederdra, dans le Trarza, non loin des rives du fleuve Sénégal, Malouma a reçu cette éducation musicale en héritage dès ses 6 ans. A l’âge adulte, très engagée aux côtés des femmes, cette ancienne griotte a combattu les mariages forcés, l’exclusion des plus démunis, le racisme… Ce qui lui a valu pendant de nombreuses années d’être marginalisée dans les médias. Son combat, incarné dans sa poésie, est devenu politique.
Engagée aux côtés de son grand ami, l’opposant Ahmed Ould Daddah (pour qui elle a composé une chanson, Habib Echaab, «le bien-aimé du peuple»), elle a été élue sénatrice en 2007.
Après la sortie de son album Nour, teinté de blues et de sonorités plus pop, la même année, cette amoureuse de musique classique (elle écoute et réécoute Mozart, Wagner, Chopin, Beethoven, Vivaldi…) a un temps délaissé son art pour se consacrer à l’organisation d’événements au travers de sa Fondation Malouma pour la culture, le patrimoine et les arts. Moutribat el-Chaab, «l’artiste du peuple», avait notamment imaginé La Grande rencontre, une nuit de concerts où elle avait réuni des musiciens mauritaniens de tous horizons.
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Grande tristesse
Mais depuis 2017 et «l’affaire Mohamed Ould Ghadda», du nom d’un parlementaire accusé de corruption, Malouma l’insoumise est gagnée par la tristesse. Mise en cause parce qu’elle aurait accepté de l’argent pour rejeter le projet de réforme constitutionnelle voulu par le Président d’alors, Mohamed Ould Abdelaziz, – finalement adopté -, elle a perdu son poste et évité la prison de justesse.
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«On m’a enchaînée avec des mensonges»
Placée sous contrôle judiciaire, elle était privée jusqu’au mois de mai dernier de son passeport. Elle a dû renoncer aux tournées internationales, elle qui s’est produite aux Etats-Unis, en Egypte ou encore en Arabie saoudite. «On m’a enchaînée avec des mensonges, s’émeut-elle. Mon nom a été gâté, mon honneur blessé, toute ma vie a été touchée.» Ses doigts continuent de faire vibrer son ardin quand, à cet instant, elle fait résonner sa voix dans une grande mélancolie.
Jeune Afrique