Sur invitation du président algérien Abdelmadjid Tebboune, Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani est en Algérie depuis ce lundi, jusqu’à mercredi. Il s’agit de la première visite d’un président mauritanien en Algérie depuis plus de dix ans.
Création du Comité bilatéral frontalier, renforcement du commerce entre l’Algérie et la Mauritanie, coopération sécuritaire… la visite d’Etat du président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, en Algérie, semble être d’une importance capitale.
D’autant que la relation « cordiale » entre les deux pays voisins a souvent été entravée par celle, plus hostile, entre l’Algérie et le Maroc.
En effet, pendant plus de deux décennies, durant la guerre du Sahara occidental, la Mauritanie avait pris le parti du Maroc. Après l’arrivée au pouvoir de Mohamed Khouna Ould Haidallah, en 1980, la Mauritanie a assumé un rôle plus passif dans ce conflit. Une neutralité qui s’est ensuite poursuivie, en raison de la similarité des politiques de Haidallah et de Mohamed Ould Abdel Aziz, qui formaient un triumvirat militaire avec l’actuel président El-Ghazouani.
Ce dernier semble, finalement, avoir des ambitions d’intégration régionale. D’un côté, une partie des projets signés avec l’Algérie ne manqueront pas d’agacer le Maroc, notamment la finalisation des derniers tronçons de la route entre Tindouf en Algérie et Zouerate en Mauritanie. C’est en novembre, sur cette même route, dont une partie traverse le Sahara occidental, que le Maroc a bombardé trois camions algériens qui traversaient vers la Mauritanie, tuant les conducteurs.
Un incident qui a fait réfléchir du côté mauritanien. Le pays cherche des partenaires commerciaux aussi proches et fiables que l’Algérie, notamment pour les échanges en produits alimentaires et hydrocarbures.
La route Nouakchott-Ouargla, un acquis dans la relation entre l’Algérie et la Mauritanie
La mise en place de la zone franche entre l’Algérie et la Mauritanie, en 2019, a permis de doubler le volume d’échanges entre les deux pays. Un geste de la part d’Alger, l’enclavement de la Mauritanie ayant toujours été un obstacle. Et ce, malgré la volonté du président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani de rétablir « la cohésion entre les pays maghrébins ».
En réalité, pour le chef d’Etat mauritanien, il s’agit surtout de relancer le commerce entre son pays et les pays frontaliers. Ce qui n’est que difficilement possible avec le Maroc, dont la Mauritanie est séparée par le Sahara occidental. Si, d’un côté, El-Ghazouani a trouvé beaucoup de bonne volonté auprès de son homologue sénégalais Macky Sall, l’Algérie semble aussi mettre le paquet dans une relation importante sur le plan géostratégique.
L’attaque du 3 novembre, sur la route reliant la Mauritanie et l’Algérie, ne semble pas effrayer le président mauritanien. En effet, l’axe Nouakchott-Ouargla fait partie d’une route de 3 500 kilomètres. Comme la Transsaharienne, cette route est une pierre angulaire de la stratégie africaine de la diplomatie algérienne.
Coopération sécuritaire et lutte contre le néocolonialisme
La mise en place du Comité bilatéral frontalier algéro-mauritanien a été accompagnée de plusieurs recommandations, dont plusieurs seront sans doute mises en route lors de la visite d’El Ghazouani à Alger. Parmi ces recommandations, « l’intensification de la coordination sécuritaire sur les frontières communes à travers la création d’une commission sécuritaire commune regroupant les services de sécurité des deux pays ».
Une coopération sécuritaire qui n’est pas sans rappeler celle conclue entre l’Algérie et le Mali début octobre. Depuis la réintégration du ministre algérien d’Affaires étrangères Ramtane Lamamra, ce dernier ne rechigne pas à faire de la coopération sécuritaire une priorité lors de ses visites dans les pays voisins de l’Algérie.
Au Mali, Lamamra avait déclaré : « Nos partenaires étrangers ont besoin de décoloniser leur propre histoire. Ils ont besoin de se libérer de certaines attitudes, comportements et visions qui sont intrinsèquement liées à la logique incohérente, portée par la prétendue mission civilisatrice de l’occident, qui a été la couverture idéologique utilisée pour essayer de faire passer le crime contre l’humanité, que constitue la colonisation de l’Algérie, du Mali et de tant de peules africains ».
Force est de constater qu’après l’accueil en grande pompe du président mauritanien en Algérie, El Ghazouani a passé une demi-journée à se recueillir sur les sites mémoriels de la Guerre d’Algérie. Notamment le sanctuaire des Martyrs et le Musée national du Moudjahid, où il a reçu le Bouclier du musée.
Le retour définitif de l’amitié algéro-mauritanienne ?
La visite du président mauritanien en Algérie a permis de sceller des accords dans deux secteurs de coopération. Le premier : l’importation des produits de première nécessité.
La Mauritanie importe, au prix fort, plus de 73 % de médicaments, 42 % des produits agricoles, et 59 % des autres produits manufacturés de l’étrangers. Globalement, 23 % des importations mauritaniennes proviennent des pays africains. Tandis que les Emirats arabes unis, l’Espagne et la France font partie des trois premiers fournisseurs du pays.
Ensuite, le secteur pétrolier, qui attire d’ores et déjà l’appétit de la France, est en pleine expansion en Mauritanie.
Or, Nouakchott n’a pas les capacités d’augmenter la production de brut ou de transformer son pétrole en produits dérivés. Un secteur dans lequel l’Algérie, quatrième pays producteur d’Afrique et premier de la région, pourrait coopérer avec la Mauritanie.
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