Extrait de « la Mauritanie, une situation géopolitique particulière : une vocation naturelle de trait d'union »....Tome II : La Mauritanie et le monde arabe. | L'Information

Extrait de « la Mauritanie, une situation géopolitique particulière : une vocation naturelle de trait d'union »....Tome II : La Mauritanie et le monde arabe.

jeu, 11/16/2023 - 12:55

Lors de son discours prononcé en 1957 devant l’assemblée territoriale, le président Ould Daddah s’adresse au Maroc en ces termes : « Je dis non ! au Maroc. Mauritaniens nous étions, Mauritaniens nous sommes, Mauritaniens nous resterons. »… C’est lors d’un séjour à Paris en 1957 que Me Mokhtar Ould Daddah rencontra pour la première fois, un haut responsable marocain, il s’agissait, en l’occurrence, de maître Abderrahim Bouabid, ministre d’Etat chargé de l’Economie.

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 Extrait de « la Mauritanie, une situation géopolitique particulière : une vocation naturelle de trait d'union »....Tome II : La Mauritanie et le monde arabe.

Je dédie Ce Livre à Moulaye O. Cheiguer, Ibrahima Sarr dit Tapha, Abderahmane Ndongo, Med El-Vadel O.Med El-Emine et à tous nos bien aimés qui nous ont quittés.

1. LE MAROC

Des velléités expansionnistes :

Lors de son discours prononcé en 1957 devant l’assemblée territoriale, le président Ould Daddah s’adresse au Maroc en ces termes : « Je dis non ! au Maroc. Mauritaniens nous étions, Mauritaniens nous sommes, Mauritaniens nous resterons. »…

C’est lors d’un séjour à Paris en 1957 que Me Mokhtar Ould Daddah rencontra pour la première fois, un haut responsable marocain, il s’agissait, en l’occurrence, de maître Abderrahim Bouabid, ministre d’Etat chargé de l’Economie. La rencontre, qui eut lieu le 27 juillet 1957, fut organisé par un ami commun : le professeur Vincent Monteil1. Cet entretien tout de même courtois, révéla une opposition d’idée radicale entre les deux hommes. Son intérêt fut d’avoir permis à chacun d’exposer, sans la moindre équivoque et sans intermédiaire, le point de vue de son pays concernant les revendications marocaines sur la Mauritanie.

L’armada diplomatique

Dans son discours d’investiture, le 20 mai 1957, Me Ould Daddah citait parmi les priorités des priorités, l’urgente nécessité de la mise en exploitation des richesses minières de son pays. A ce propos, les mauritaniens n’avaient aucune possibilité d’infléchir le cours des évènements : ni cadres qualifiés ni moyens financiers, politiques ou diplomatiques. Et pourtant il fallait réagir. Ce qui fut fait de fort belle manière, les autorités mauritaniennes de l’époque iront jusqu’à harceler les dirigeants français, ainsi que le mentionnera le Général de Gaulle dans ses Mémoires d’Espoir 2 pour leur demander d’accélérer le processus d’exploitation des mines mauritaniennes, de fer surtout, puisqu’elles étaient de loin les plus importantes, bien en quantité, qu’en qualité : plus de 150 millions de tonnes, d’une exceptionnelle teneur (65% en moyenne) et exploitables à ciel ouvert. Cependant, ces gisements de la Kedia d’Id-jill étaient situés à 635 kilomètres du seul port de sortie possible : Nouadhibou. Soit six cent trente-cinq kilomètres de désert intégral, en

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grande partie dunaire. D’où la nécessité d’investissements considérables, indispensables pour créer de toute pièces l’infrastructure adéquate pouvant permettre une telle exploitation : installations minières proprement dites, voie ferrée de 635 kilomètres à travers le désert, port minéralier, etc, sans omettre les deux cités de Cansado et de Zouératte, elles aussi à édifier à partir de rien.

Fort heureusement, lesdites quantité et qualité de fer avaient déjà attiré des investisseurs, français et autres européens. Ici les intérêts des capitalistes étrangers coïncidaient avec ceux des mauritaniens

La société des Mines de Fer de Mauritanie, la MIFERMA, qui avait été constitué en 1952 ne put démarrer ses activités, surtout à cause de l’importance des investissements mentionnés, et qu’il fallait au préalable réunir, ce qui empêchait le lancement des travaux. C’est ainsi qu’en 1957, au moment de la mise en œuvre de la Loi-Cadre, la MIFERMA n’avait pas encore démarré. En effet les actionnaires de la société, ne pouvant par leurs seuls propres moyens réunir les capitaux nécessaires, avaient demandé un prêt de soixante-six millions de dollars à la Banque mondiale. Mais l’importance du montant de ce prêt autant que l’évolution des territoires d’Outre-Mer de l’Union Française, donc de la Mauritanie, faisaient trainer le dossier dans les bureaux de la BIRD3, où un élément nouveau, d’ordre diplomatique celle-là, venait compliquer la chose. En effet, Le Maroc, déjà membre de la Banque et soutenu par certains pays alliés, voulait empêcher l’octroi dudit prêt en faisant état de ses revendications sur la Mauritanie qu’il prétendait « partie intégrante du Maroc dont le colonialisme français voulait l’amputer, pour y installer un régime fantôche à sa dévotion … »

Passant outre l’opposition du Maroc et de ses alliés, la Banque donna son accord de principe, tout en demandant que ce prêt, accordé à la société MIFERMA, fût garanti conjointement par la France et la Mauritanie. Bien sûr, cette garantie demandée à la Mauritanie n’était qu’une garantie symbolique, puisqu’elle n’était ni solvable ni indépendante, alors que la France l’était. Cependant cette exigence revêtait une extrême importance pour la République Islamique de Mauritanie, elle équivalait en somme à une forme de reconnaissance internationale, avant la lettre de son indépendance, donc une première victoire sur le Maroc. Elle faisait ainsi de la Mauritanie un partenaire à part entière pour soutenir, au côté de la France, les démarches de la société. Cela l’emmenait à affronter, plus ou moins directement, le Maroc.

Dans ce contexte, le vice-président du conseil mauritanien, eu à Paris, son premier entretien avec le président de la BIRD, Eugène Black, qui l’invita à venir à Washington pour avoir des discussions approfondies au siège de la Banque. Ce qu’il fit du 21 au 31 octobre suivants, séjournant à Washington puis à New-York. Ces entretiens furent minutieusement préparés par le ministère Français des affaires étrangères et, particulièrement par l’ambassadeur Hervé Alphand, son premier conseiller qui n’était autre que Jacques Leprette, qui allait devenir le deuxième des ambassadeurs de France en République Islamique de Mauritanie.

A Washington, Me Ould Daddah a rencontré plusieurs hauts responsables du département américain. Il a également eu des entretiens approfondis avec Eugène Black et certains de ses collaborateurs. Il était assisté lors de ces entretiens par Jean-Jacques Villandre, son directeur de cabinet, Mohamed Lemine Ould Hamonni, son chef de cabinet, ainsi que Jacques Leprette et le conseiller économique de l’Ambassade de France, ces conversations ont d’une certaine manière contribuée à hâter la décision finale de la Banque mondiale, bien que le poids spécifique de la Mauritanie ne fût pas bien considérable.

Informé de l’arrivée du président mauritanien à Washington, le Maroc y avait dépêché quatre mauritaniens dont trois, avec Horma Ould Babana, étaient les transfuges les plus notoires, qui avaient pris fait et cause pour les revendications marocaines sur la Mauritanie. Il s’agissait de Mohamed Fall Ould Oumeïr, ex Emir du Trarza, et de deux anciens ministres Deye Ould Sidi Baba et Mohamedel Mokhtar Ould Bah, qu’accompagnait Mohamed Ahmed Ould Taki, ex-président de l’A.J.M.

La tactique arrêtée par le Maroc était la suivante : ces « Maroco-mauritaniens » devaient précéder Me Ould Daddah à la BIRD et au Département d’Etat et demander à ce qu’il n’y soit pas reçu, ou, à tout le moins, de ne tenir aucun compte de ce qu’il pourrait dire car « le gouvernement qu’il vice-préside ne représente rien ni personne. Donc sa garantie du prêt en question ne signifie rien… ». Et d’autres amabilités du genre. Les mêmes personnes tinrent plusieurs conférences de presse pour répéter des propos analogues. Ce tapage médiatique soigneusement orchestré par l’ambassade du Maroc n’influença pas la

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Banque : celle-ci confirma sa promesse, déjà faite au gouvernement français et à la MIFERMA, d’accorder le prêt sollicité.

Avant son départ de Washington pour New-York, les compatriotes d’Ould Daddah à la solde du Royaume Chérifien l’avaient téléphoné pour demander à le rencontrer. Il leur donna rendez-vous à New-York, où ils vinrent le voir tous les quatre à son hôtel, où il se trouvait en compagnie de Mohamed Lemine Ould Hamoni. Là ils discutèrent une bonne partie de la nuit. Discussion parfois très animée, mais toujours courtoise et digne. Aucun des deux parties n’arrivera à convaincre l’autre : ni les transfuges à convaincre Me Ould Daddah que « la Mauritanie n’était pas viable, qu’elle n’était qu’une création du colonialisme français et que sa seule chance était de s’intégrer à la mère-patrie, le Maroc ». Ni celui-ci à les convaincre qu’« ils avaient trahi leur patrie qu’ils sont allés vendre à un pays étranger, au mépris de la dignité de leur peuple, etc,etc. ».

Un véritable dialogue de sourds ! A New York, ces transfuges se livrèrent au même travail de sape qu’à Washington. Sans plus de succès. En revanche, le séjour de Me. Mokhtar Ould Daddah au siège des Nations Unies fut particulièrement fructueux, du point de vue diplomatique. En effet grâce au travail préparatoire effectué par les diplomates français, il fut non seulement reçu par le Secrétaire général de l’Organisation, Dag Hammarskjöld, mais il put rencontrer de nombreuses délégations : toutes les africaines, celles d’Ethiopie, du Ghana, de l’Egypte, du Soudan, de la Libye et de la Tunisie ; trois délégations du Machrek, Arabie Saoudite, Irak et Yémen ; des délégations asiatiques : Iran, Inde, Pakistan ; des délégations européennes : Belgique, Espagne, Italie, Grande-Bretagne ; plusieurs délégations américaines du nord : Etats-Unis et Canada, et du Sud : Brésil, Mexique et d’autres. Auprès de toutes ces représentations, comme avec le Secrétaire général de l’organisation, il réfutait chacun des arguments utilisés par le Maroc pour justifier ses revendications qui, il est vrai, n’étaient pas encore très bien connues à l’ONU, malgré l’intense activité des représentants marocains.

Le 3 décembre 1960, le président Ould Daddah arrivait à New-York, avec l’intention de prendre la parole devant l’Assemblée générale de l’O.N.U., comme le font certains Chefs de jeunes Etats pour marquer solennellement l’entrée de ceux-ci dans le concert des pays indépendants composant la plus importante organisation internationale. Mais à sa grande surprise, il allait apprendre par le Représentant permanent de la France, Armand Bérard, que la candidature de son pays, parrainée par la France et par la Tunisie, serait bloquée le jour même par un véto soviétique. Très grande déception pour tous les Mauritaniens présents. Quant à l’ambassadeur Bérard, il était tellement affecté que le président Ould Daddah a dû le consoler et lui remonter le moral.

Après le véto soviétique, le président Ould Daddah déclara :

« Le Maroc est le grand vaincu de la semaine, car désavoué par tous les Etats africains, il a recherché l’alliance de l’U.R.S.S., acceptant ainsi d’introduire la guerre froide en Afrique ».

A suivre…

Auteur : Diop Cheikh Tijane

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