Depuis Février 2001, La Mauritanie est liée, au Sénégal, par une convention de coopération en matière de pêche et d'aquaculture. L'application de cette convention se fait au travers de protocoles annuels dont le dernier en date est venu à expiration en décembre dernier.
Depuis le mois de novembre 2015, les mareyeurs mauritaniens entreprennent démarche sur démarche et contact sur contact avec les autorités mauritaniennes en charge des pêches, pour les sensibiliser sur les failles que comporte cet accord de pêches et les graves dangers qu'il fait peser, tant sur nos ressources halieutiques que sur les intérêts vitaux de toute la filière de la pêche, à commencer par la profession des mareyeurs.
La vision que nous avons exposée aux autorités porte sur les aspects suivants:
1 - le détournement de l'objectif de la convention : l'objectif initial de la convention était d'assurer l'approvisionnement, en petits pélagiques, de la ville de Saint-Louis du Sénégal. Or, force est de constater que cet objectif est, aujourd'hui, complètement dénaturé : le poisson mauritanien, pêché dans le cadre de cette convention, est plus présent sur les marchés maliens, burkinabés ou nigériens que dans le panier de la ménagère saint-louisienne. Ce qui en reste alimente d'insatiables usines de farine et d'huile de poisson installées dans la Zone.
2 - La subvention du contribuable mauritanien au profit des pêcheurs sénégalais :
Au moment où les acteurs mauritaniens de la pêche subissent une cascade inédite de redevances, introduites par le nouveau codes des pêches (droits de réception, droits d'accès directs, redevance d'exploitation); au moment où le programme social du Ministère des Pêches, destinés aux plus démunis de la population mauritanienne, fixe le prix du kg de poisson à 50 ouguiya, c'est à dire 50.000 ouguiya / tonne, les pêcheurs sénégalais, opérant dans notre ZEE, "payent", eux, la tonne, toutes captures confondues, à €10, c'est-à-dire 3.700 ouguiya!
3 - la convention, telle qu'appliquée, aujourd'hui, constitue un passe-droit fait aux opérateurs mauritaniens de la pêche : les conditions financières appliqués aux pêcheurs sénégalais leur permettent de disponibiliser "notre" produit, sur notre marché africain de prédilection, à des prix défiant toute concurrence, à commencer par la nôtre.
4 - la convention, telle qu'appliquée, aujourd'hui, fait le pied de nez à notre nouvelle stratégie, à notre nouveau code des pêches et à ces divers textes d'application. En effet, la nouvelle stratégie repose, entièrement, sur la préservation de la ressource, qui suppose la maîtrise totale de l'effort de pêche et le suivi rigoureux des captures. À cet effet, l'article 48 du Décret 159 - 2015, portant application du code des pêches, institue l'obligation de débarquement, en ces termes :
"Le contrôle des débarquements est obligatoires, pour tous les navires de pêche opérant dans les eaux maritimes mauritaniennes"
Ce même article institue les zones de débarquement obligatoire dans la zone centre, allant de Nouakchott à Nouamghar et dans la zone Sud allant de PK 28 à N'DIAGO.
Or, les pêcheurs sénégalais ne subissent aucun contrôle, ne sont assujettis à aucune obligation de débarquement, ce qui fait que personne ne sait combien ils pêchent, qu'est-ce qu'ils pêchent, comment ils pêchent, quelle est l'ampleur des dégâts qu'ils font subir à notre ressource.
Fort de ces faits avérés, et en prélude aux contacts, en cours, pour le renouvellement du Protocole d'application, les mareyeurs mauritaniens, qui adhérent pleinement à tous les objectifs de la Nouvelle Stratégie des pêches, notamment ceux visant la préservation de nos ressources halieutiques, et soucieux de leurs intérêts vitaux lésés, aujourd'hui, par cette convention déséquilibrée qui les met hors d'état d'être compétitifs sur leurs marchés africains de prédilection, expriment leur détermination à faire entendre, au plus haut niveau, leur voix et à peser de tout leur poids pour que justice leur soit faite.
Ils demandent, à cet effet, la dénonciation unilatérale de la convention.
En contrepartie, les mareyeurs mauritaniens, attachés qu'ils sont aux relations de bonne coopération et de bon voisinage qui lient les deux pays frères, le Sénégal et la Mauritanie, et en considération des liens historiques qui nous lient à la ville de Saint-Louis, offrent d'assurer l'approvisionnement régulier, par camions frigo, de cette ville, au prix coûtant.
À défaut, la seule alternative acceptable pour nous serait la révision de l'accord, dans l'optique de préserver les intérêts de la ressource et des opérateurs mauritaniens. Pour ce faire, tout nouvel accord doit, nécessairement, comporter les dispositions suivantes :
la systématisation des contrôles des débarquements, dans les zone prévues, à cet effet, par la législation mauritanienne en vigueur.
la révision, à la hausse, de la contrepartie financières pour être alignée, au moins, sur le prix que paie la plus pauvre des ménagères mauritaniennes bénéficiant de l'aide sociale : 50.000 ouguiya / tonne, soit €130 environ.
Les mareyeurs mauritaniens sont déterminés à effectuer toutes les démarches nécessaires auprès des pouvoirs publics, des institutions et des leaders d'opinion pour que s'instaure l'équilibre nécessaire dans les relations de pêche entre les deux pays frères.
Les mareyeurs mauritaniens tiennent, enfin, à réaffirmer leur attachement à la fraternité, à l'amitié et au bon voisinage entre les deux pays et les deux peuples frères.