Quand la France décore un ministre mauritanien accusé de corruption par la Cour des Comptes de son pays | L'Information

Quand la France décore un ministre mauritanien accusé de corruption par la Cour des Comptes de son pays

mer, 08/26/2020 - 13:54

Selon une déclaration intitulée : Cérémonie de remise de décoration le 16 avril 2017 à la Résidence de France,  émanant de l’Ambassade de France à Nouakchott en date du 16 avril 2017 et publiée par le site Cridem le 21 du même moi, le ministre français de l’Economie Michel Sapin a remis, au nom du président français, François Hollande, en présence de l’ambassadeur de France accrédité à Nouakchott, la plus haute distinction française, la Légion d’honneur, au ministre mauritanien de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Cette décoration, dit la déclaration, « distingue également, beaucoup plus exceptionnellement les efforts des ressortissants étrangers qui se sont signalés par les services qu’ils ont rendus à la France ou aux causes qu’elle soutient ». La même déclaration louait, entre autres, l’attachement dudit ministre au modèle français d’enseignement supérieur.

Nul ne peut croire un seul instant que l’ambassade de France à Nouakchott n’était pas au courant de l’affaire de la SOCOGIM, une société publique dont le Directeur général de 2005 à 2010 n’était autre que le ministre décoré. Suite à une mission d’audit de cette entité en 2009-2010 dépêchée par la Cour des comptes et guidée par un article publié par le journal Points Chauds sur la gestion de cette entreprise, cette instance constitutionnelle a accusé l’ex DG de détournements de l’argent du contribuable et a adressé à son encontre une mise en demeure pour rembourser la somme de 417 millions d’ouguiyas. Ce dossier a défrayé la chronique en Mauritanie à partir du mois d’avril 2010. Le ralliement de l’Ex DG de la SOCOGIM au camp de l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz et sa nomination, après les élections présidentielles de 2014, au poste de ministre de l’enseignement supérieur en septembre 2014 n’a pas mis fin à ce dossier. La Cour des comptes a toujours maintenu ses accusations contre lui et c’est dans son rapport triennal 2010-2011-2012, rendu public le 6 décembre 2019, qu’elle a dûment consigné les faits se rattachant à cette affaire.

D’autre part, le fait que l’ambassade de France à Nouakchott s’arroge le droit d’évaluer, à sa manière, le bilan d’un ministre d’un pays souverain accusé de détournement des deniers publics et lui attribuer la plus haute décoration française est non seulement une ingérence dans les affaires internes de ce pays, mais aussi un agissement qui peut être interprété comme étant une caution à la corruption qui a sévi dans notre pays durant la décennie passée.

Les conclusions de l’étude faite fin 2018 par l’Unesco / l’IIEP (pôle de Dakar), sur l’enseignement supérieur en Mauritanie, mise en ligne et celles de l’étude que j’ai moi-même réalisée sur ce secteur au mois de juin passé, intitulée : les dysfonctionnements et les incohérences de l’enseignement supérieur en Mauritanie : analyse et propositions, publiée par des sites locaux d’information, montrent, preuves à l’appui, que l’enseignement supérieur en Mauritanie souffre de dysfonctionnements structurels dus, entre autres, à la mauvaise gouvernance et au manque d’une stratégie réelle pour son développement.

Des requêtes d’audit de l’enseignement supérieur ont été récemment remises aux instances officielles de contrôle pour que toute la lumière soit faite sur les forts soupçons de corruption qui planent sur la gestion de ce secteur durant ces dernières années.

Enfin, si nos partenaires étrangers, y compris la France, sont sincères et veulent nous aider réellement dans le domaine de l’enseignement, ils doivent d’abord cesser leurs ingérences dans nos politiques éducatives.

 

Vive la Mauritanie indépendante et souveraine !

Dr Ahmed Ould El Moustaph