Au cours du ramadan, mois béni d’Allah où les musulmans jeûnent, se solidarisent et se respectent les uns les autres, voilà que surviennent deux viols successifs à notre connaissance de deux filles haratine. La première a fait l’objet de notre communiqué en date du 17 mai 2020. Le second viol a eu lieu à Adel Bagrou. Son auteur est Hattab Ould Youba Zeine Ould Mohamed Fadel Ould Mamine, chef religieux issu d’une grande famille maraboutique.
Les marabouts se servent de leurs savoirs religieux pour enseigner, soigner et influencer les croyants. L’enseignement et les soins ne sont jamais gratuits chez les marabouts. C’est à ce titre que Anna mint El Barra a été confiée à Hattab pour le soin d’une alopécie (perte de cheveux). Profitant de ce statut de religieux et de soignant, il viole la victime désormais enceinte de huit mois.
Certains groupes se considèrent supérieurs aux autres du fait de leurs ascendances. L’idéologie esclavagiste leur confère ce moyen de domination des forts sur les faibles. Dans le système esclavagiste, les femmes esclaves sont à la disposition de leurs maîtres, de leurs progénitures, etc. Elles n’ont pas besoin d’être mariées pour procréer. D’autant plus qu’elles ont un rôle prépondérant dans la continuité de l’esclavage. C’est par la procréation que les esclavagistes augmentent leurs esclaves et continuent ainsi à s’enrichir.
Face à la grossesse de la jeune femme, Hattab Ould Youba Zeine change de version selon les circonstances. Pour parvenir à un arrangement, il reconnaît le viol. En revanche, devant le procureur de la République de Néma, il nie les faits et s’estime innocent.
La solidarité ethnique a joué en faveur de Hattab. Les élus locaux, le député Mohamed Tourad dit Houmeyda, les maires de Hassi Atila et Beribavat ont défendu l’accusé. Il en est de même des représentants régionaux de l’Etat à savoir le commissaire de Adel Bagrou qui a utilisé de fortes pression sur la maman de Anna en vue de retirer sa plainte et du juge Mohamed Mahmoud Salem Makhtour qui a ordonné la libération de Hattab. Le juge estime que la responsabilité du viol incombe aussi bien à Hattab qu’à la victime.
Ce jugement doit être cassé et remplacé par un autre plus juste. La jurisprudence relative au cas de l’officier de police judiciaire Ahmed Taleb Ould Mocktar Cheikh peut servir d’exemple. Il a été arrêté et emprisonné. Pourquoi emprisonner l’officier de police judiciaire et laisser libre le Hattab ould Youba Zeine ? Est-ce parce qu’il est un marabout influent qu’il bénéficie de ce traitement ? Ou parce qu’il est soutenu par les élus locaux de Hodh El Gharbi ?
Le cas de Hattab peut être vu sous deux angles :
Il est fornicateur marié. La religion musulmane le condamne à la lapidation à mort. « Le fornicateur marié s’expose, lui, à la lapidation jusqu’à la mort, dans d’atroces souffrances » (Communiqué : Mauritanie : esclavage, superstition et contrainte sexuelle (Note d’alerte)
Par rapport au viol, la religion musulmane n’est pas démunie puisque l’Ijtihad (efforts d’interprétations) est une troisième voie admise dans l’Islam au cas où ni le Coran (paroles d’Allah) ni la Sunna (faits, gestes et paroles du Prophète Mahomet) ne se sont prononcés sur le sujet en question. A ce niveau, seule la volonté politique peut manquer !
Les familles des deux victimes, celle de Toutou Mint Kaber et de Anna mint El Barra, doivent être prises en charge par l’agence TAAZOUR (Agence de Solidarité Nationale et de Lutte contre l’Exclusion). Les enfants qui naîtront de ces viols doivent devenir les pupilles de l’État mauritanien.
Le 1er juin 2020
Mohamed Yahya OULD CIRE
Président de Association des Haratine de Mauritanie en Europe