PROFIL DE CAS : Dossier de Presse/Achoura. « Adwagh » d’une polémique. | L'Information

PROFIL DE CAS : Dossier de Presse/Achoura. « Adwagh » d’une polémique.

lun, 03/07/2022 - 16:40

C’est une alerte lancée au début de l’année dernière  par l’ambassade du Mali en Belgique qui est à l’origine de la plus grande polémique du début de ce  21 ème siècle engendrée par l’ histoire  d’une variété de thé incriminée par des traces de résidus de pesticides prélevés sur quelques échantillons.

 

Au Mali, entre le 4 et le 08 mars 2021, une  véritable guerre de  communication, où tous « les coups bas » sont passés,   avait fait rage. C’est celle de la propagation de très fortes rumeurs sur les dangers potentiels  que « pourrait » constituer la consommation d’Achoura  la célèbre variété de thé.

 

L’information révélée pour la première fois en France, relayée par une représentation diplomatique en Belgique avait  été  saisie comme occasion par des  agents de l’état malien pour la  relayer. Cette information comme une bombe à fragmentation avait annoncé,  qu’un paquet de thé provenant d’un stock de 5 cartons  de cette variété de thé contenait deux résidus de pesticides. Un écho qui a été très  favorable à la  propagation d’une alerte sanitaire sans précédent.

 

En 120 heures (5 jours),  la nouvelle avait fait  de porte-à-porte   le tour de tous les foyers au Mali, au Sénégal, en Mauritanie, en Côte d’Ivoire, en Algérie,  au Niger,   dans les deux Guinées, au Maroc et même jusqu’en Lybie. Ces 10 pays sont  considérés comme les plus consommateurs de ce produit sur les 17 pays africains importateurs de thé.

 

Tout au  début de cette histoire à rendre fou, la réaction de l’importateur exclusif de cette variété de thé qui battait et qui bat encore tous les records consommations de ces dix dernières années ne s’était pas fait attendre.

 

A coups de réactions rapides soutenues par  des analyses confiées à des laboratoires de renommées et de prestiges, la Société Houma a joué au pompier pour éteindre l’incendie dès  son déclenchement. Mais rien à faire. Malgré toutes les assurances et les preuves données par  des informations scientifiques, les « perturbateurs » de la fête autour des trois normaux (le thé), n’ont pas baissés les bras. Depuis de petits foyers de rumeurs persistent encore  jusqu’à présent ce qui n’a pas  provoqué chez  les nomades du grand Sahara une  crainte par rapport à la consommation de «Achoura», cette variété dont le nom résonne comme celui du plus fidèle  compagnon  de voyage des besoins.

 

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« Achoura », batailles des  « Ag », ou inconscience des agents de l’état malien ? 

 

Au Mali, la Société Houma détient le monopole exclusif de l’importation de bon nombre de variétés de thé dont «Achoura» le célèbre Label. A la tête de la Société Houma, -un véritable empire de l’Import-export-, un  multimilliardaire du nom de Houma Ag Hamdaga. Un jeune malien qui touche les étoiles par une  fortune colossale  difficile à évaluer.  Pour cet homme d’affaires,  dont la célébrité étend ses tentacules aussi en Mauritanie, en Guinée, au Ghana et au  Sénégal par la distribution à travers des succursales de  ses produits d’importation, il n’y pas l’ombre d’un doute cette affaire est un complot qui visait  la décadence de son empire.

 

Même si il y’a des raisons de le penser, il y’a  peut être aussi d’autres raisons qui ont catapulté les informations « alarmantes » sur  ce  produit de très grande consommation. En tout cas,  le tsunami  de la répugnante propagande orchestrée au pays des dogons au début du mois de mars de  l’année dernière,  (il y’a donc douze mois) avait  mis à mal la société Houma et porté un coup « assommant » à son chiffre d’affaires.

 

Pourtant malgré tout cela, il explique lui-même que  ce qui l’avait  mis lui dans une fureur aveuglante, c’est que, sur les millions de lots de différentes variétés de thé importés au Mali,  (que se soit par lui ou  par d’autres), seule  la variété «Achoura » a été visée par cette campagne mensongère  sans précédent déclenchée par des agents du ministère de l’agriculture du Mali, probablement « réquisitionnés »  pour  raisons de corruption, et pourquoi peut-être pas, simplement à la solde de ses « ennemis » de la classe économique.

 

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Le lot JX4031246 rendu encore plus célèbre par sa traque.

 

Quoiqu’il en soit, si les découvertes des substances pesticides ou dérivées ont été confirmées en France sur une  quantité de thé (50 kilos) expédiées depuis le Mali à destination d’un ressortant de ce pays résidant dans la capitale française,  au Mali c’est un paquet provenant d’un seul des cinq cartons trouvés dans un commerce qui avait  mis le feu à la paille.

 

Le paquet provenait du lot N°JX4031246. Pourtant tout au début de cette affaire rocambolesque, les enquêteurs avaient constatés que les cartons de  paquets de thé dont l’un  était incriminé ont été trouvés entreposés au milieu d’autres cartons qui contenaient  des pesticides et le tout était stocké dans de très mauvaises conditions dans une boutique qui vendait aussi bien de l’agroalimentaire que des produits toxiques destinés à l’exploitation agricole.

 

Des éléments qui auraient dus,  normalement  pousser les autorités maliennes compétentes à agir avec beaucoup de prudence avant de lancer l’alerte dont les tenants, les aboutissants et  les conséquences ont enjambé les frontières du Mali pour « chuter » au Sénégal, en Guinée, au Ghana et en Mauritanie.

 

Pour donc limiter les dégâts, la société malienne qui détient le monopole de l’importation de cette marque de thé avait  immédiatement sollicité l’expertise de CERECO,  un laboratoire français d’analyses de produits agroalimentaires à Bobigny  pour effectuer en toute indépendance des vérifications sur les  échantillons prélevés sur le lot incriminé.

 

Ce laboratoire de référence et de renommée avait effectué des analyses même poussées à la recherche de résidus de 100 variétés de pesticides dont on   retrouve parfois des résidus   sur des produits des agricoles un peu partout  dans le monde. Les conclusions des analyses effectuées étaient formels et sans appel. Aucune présence de résidus des 100  produits chimiques recherchés n’a été décelée sur les échantillons du thé Achoura envoyés au laboratoire Français.

 

Les résultats de ces analyses ont été reconfirmés également par LOARCO, laboratoire du Maroc, les laboratoires Techno-alim du Brésil, le Laboratoire Régional de  Recherche en Ecotoxicologie du Sénégal et un laboratoire de la Cote d’Ivoire. N’empêche. Malgré toutes ces confirmations de la « bonne santé » du thé «Achoura» et,  malgré  les confirmations scientifiques des appareils les plus modernes prouvant que ce produit était indemne de tout « corps étranger », les agents des services de l’agriculture du Mali qui (selon certaines rumeurs) cherchaient à soutirer 250 frs CFA par paquet aux commerçants qui détenaient des stocks, (alors que le prix du paquet lui-même n’est que  de 100 Frs CFA au détail), avaient lancé une alerte de  danger sans précédent qui avait provoqué une  panique  à la fois  chez les consommateurs de tous les pays de la sous-région, mais aussi chez les services de santé publique, les services des douanes et les départements du commerce des pays consommateurs.

 

C’est donc ce qui pouvait faire penser que les agents des services de contrôles administratifs  maliens, avaient  lancé cette alerte pour nuire à  la réputation de la société malienne qui détient le monopole de l’importation de cette variété de thé très populaire et très prisée au Mali comme dans tous les pays du Sahel et de la sous-région. Et c’est la popularité de cette variété de thé  qui avait explosé les ventes du produit et relevé  de manière spectaculaire les chiffres d’affaires de la société Houma, société qui se tenait en pole position dans l’écoulement de ce produit de très grande consommation un peu partout en Afrique.

 

 

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Responsables maliens et responsables mauritaniens induis en  erreur ?

 

Ce qui est inexplicable et suscite beaucoup d’interrogations,  c’est pourquoi, alors que c’est dans un seul  paquet d’un même carton du lot N° JX4031246 que la présence des résidus de l’aflatoxine a été confirmée, toute  la quantité de cette variété de thé sur le marché avait fait l’objet d’interdiction de consommation ?

 

Et aussi on peut s’interroger sur la raison pour laquelle,  le Pr. Akory Ag Iknane,  Directeur général de l’Institut Malien la Santé publique (INSP) avait dès  le 9 février  2021 et de manière surprenante alerté sur les dangers de la consommation du thé « Achoura ». ? 

 

Et, enfin pourquoi, même compte-tenu de ce détail peut-être important mais  pas déterminant pour  lancer une alerte à très  grande échelle sur le continent africain, le directeur national de l’agriculture de la République du  Mali avait en date du 4 mars 2021 signé une lettre  circulaire (largement partagée sur les réseaux sociaux) demandant à tous les directeurs régionaux de l’agriculture du Mali  de procéder au retrait du thé du lot référencié, affirmant que des résidus de deux pesticides ont été décelés sur ces produits ce qui avait servi  de caisse de résonnance aux informations des douanes françaises ?

 

D’autre part, on est bien en droit de se demander pourquoi,  le 3 mars 2021, le  Directeur National de l’Agriculture de la République du  Mali avait lui aussi demandé  par  lettre circulaire de procéder au retrait du thé du lot N° JX4031246 (Achoura), et pourquoi aussitôt après  le jour suivant,  le directeur général de  des douanes mauritaniennes lui avait emboité le pas en demandant  par lettre N°465, et par les mêmes termes, à tous les directeurs centraux, tous les directeurs régionaux et interrégionaux, à tous les chefs de bureaux et à tous les chefs de postes des douanes mauritaniennes sur toute l’étendue du territoire national,  de saisir toutes les quantités du thé «  Achoura » du lot N° JX4031246 ?

 

Synchronisation des mesures  prises par des services centraux des deux pays presque simultanément en contournant  une décision qui devait plutôt être prise par  les autorités supérieures au regard des conséquences économiques et financières qu’elle pouvait engendrer. Pourquoi donc ?

 

Il est évident que quelque chose clochait dans cette affaire. Et c’est d’ailleurs peut être pourquoi, les douanes mauritaniennes avaient le même  jour,  (le 4 mars 2021) fait suivre la lettre circulaire demandant de saisir le thé «Achoura », d’une autre lettre demandant cette fois  de n’opérer aucune saisie, ce que le Mali avait fait également  et  en plus en s’excusant auprès des consommateurs.

 

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Quand tout le monde essaie de se racheter.

 

Quoiqu’il en soit, les deux lettres (malienne et mauritanienne) ont provoqué satisfaction et soulagement pour Omar Drissy le directeur Général de l’Ets Achoura-Mauritanie qui, dans un communiqué distribué à la presse mauritanienne (Al Wiam,  entre autres), avait le 8 mars 2021 informé les consommateurs mauritaniens que les résultats des analyses effectuées sur le thé «Achoura » n’ont finalement décelé aucun indice de présence de produits chimiques toxiques sur le thé  et que sa consommation ne présentait aucun danger pour les personnes.

 

Trop donc de bruits pour rien ? Peut-être. Mais peut-être  aussi pas ! Mais même au-delà du fait que  les résidus présents  sur les échantillons de thé  «Achoura », pouvaient bien venir  des mauvaises conditions de stockage dans des boutiques du Mali où dans certaines localités  tous les produits sont entreposés pêle-mêle, il y’a l’autre aspect de la question.

 

Les montants financiers injectés par les Ets Import-Export du  multimilliardaire Houma Ag Hamdaga se chiffrent par milliards payés en devises aux producteurs mais aussi par centaines de millions payés aux douanes de 17 pays africains. Des pays comme le Mali et comme la Mauritanie ne peuvent donc  pas jouer au risque en faisant la guerre à un opérateur économique d’un poids  très lourd et d’une telle puissance surtout si cet opérateur  contribue énormément aux recettes fiscales des deux pays.

 

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Le gouvernement mauritanien, très embarrassai par cette affaire mais tarse prudent face à la presse.

 

C’est peut-être d’ailleurs pourquoi, Naha Mint Mouknass, la ministre du commerce de la République Islamique de Mauritanie (en pleine tourmente  de cette « sale » affaire), avait déclaré au cours d’un point de presse  d’une réunion du Conseil des Ministres, « nous avons pris soins de faire envoyer des échantillons des thés les plus consommés dans le  pays à des laboratoires de références indépendants pour analyses. Nous publierons les résultats de ces analyses officiellement et  publiquement  dès qu’ils nous serons renvoyés». Comme pour dire donc : « nous n’avons rien à cacher aux consommateurs ».

 

Peut-être. Mais en attendant, le journaliste qui avait posé la question sur ce sujet  il y’a quelques mois attend toujours la réponse de la ministre concernant les résultats de ces analyses. Et c’est d’ailleurs pourquoi, la semaine dernière, aucours du tout dernier point de presse, la question de savoir où en est-on avec les résultats des analyses a été encore reposée pour la énième fois.

 

Et, le porte-parole du gouvernement Moctar Ould Dahi, très convaincant,  qui répondait à la même question qu’on lui pose depuis des mois, toujours par la même réplique avait dit : « Le thé objet de cette polémique est consommé dans toute la sous-région. Et je ne pense pas personnellement qu’il y’a une variété de thé destinée exclusivement à un pays et une autre à d’autres pays. Nous veillons strictement à la santé des citoyens et croyez-moi,  nous n’avons rien à cacher à personne. Si les résultats parviennent et prouvent qu’il  y’a risque de santé pour les consommateurs, nous prendrons toutes les mesures qui s’imposent ».

 

Peut-être que   le gouvernement mauritanien  n’a rien à cacher à personne. Mais comme l’a dit le journaliste mercredi dernier, ces résultats tardent à venir. Et moi,  j’avoue sincèrement que,-personnellement-,  je suis tellement curieux de savoir,  si la ministre du commerce Naha Mint Mouknass et le ministre porte-parole du gouvernement  Moctar Ould Dahi consomment  « toujours » Achoura cette variété de  thé qui est, jusqu’à ce jour et  de très loin, la meilleure et le plus prisée sur le marché mauritanien.

 

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant.